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PHILOSOPHES ET PUBLICISTES MODERNES.

propriétés, « ce mal sous lequel nous périssons, » entraînait, disait-il, la ruine prochaine de l’agriculture. Il ne songeait pas que l’abolition des maîtrises, l’extension du commerce et des entreprises industrielles, qui rendent nécessaire la capitalisation de grandes richesses, servaient de contre-poids à cette égalité établie dans le partage, en substituant la division des fortunes à la division du sol. Au fond, ce n’était pas l’intérêt de l’agriculture qui le touchait, et ce qu’il voyait dans cette égalité, c’était l’égalité elle-même. Il tint tête à l’opposition chaque fois que de nouvelles lois furent portées contre les journaux, et mérita d’être compté parmi les plus irréconciliables ennemis de nos libertés. Louis XVIII l’appela à la pairie, et lui donna une place à l’Académie française, où il fut nommé par ordonnance royale, en 1816. M. de Bonald était certainement très digne d’une distinction pareille, et il aurait pu obtenir sans difficulté de l’élection de ses confrères ce qu’il dut à une faveur royale, d’ailleurs entièrement spontanée. Sa vie publique ne présente pas d’autre évènement ; il n’accepta, sous Charles X, que la présidence temporaire et toute gratuite d’une commission de censure. Retiré dans sa famille avant la révolution de 1830, il mourut dans la nuit du 23 novembre 1840, à l’âge de quatre-vingt-sept ans.

M. de Bonald a beaucoup écrit, et il peut passer à bon droit pour un de nos publicistes les plus féconds. Il prit part à la rédaction du Mercure de France et du Journal des Débats, avec M. de Châteaubriand, et plus tard à celle du Conservateur, avec MM. de Châteaubriand, Salaberry, Fiévée, de Lamennais. Outre ses cinq grands ouvrages, la Théorie du pouvoir politique et religieux dans la société civile, qu’il publia pendant son émigration, l’Essai analytique sur les lois naturelles de l’ordre social, le Divorce considéré au dix-neuvième siècle et la Législation primitive, composés à Paris, sous le directoire, et les Recherches philosophiques, qui ne parurent que plus tard, on a de lui un recueil de pensées et un grand nombre d’opinions et de discours publiés à diverses époques en cahiers de deux ou trois feuilles d’impression. C’est ainsi qu’il produisit, en 1815, des réflexions sur l’intérêt général de l’Europe, suivies de quelques considérations sur la noblesse ; en 1819, des réflexions sur une séance de la chambre des députés, et la nécessité de garantir la religion des outrages de la presse ; en 1822, des réflexions préjudicielles sur la pétition du sieur Loveday, où il discute le droit d’adresser des pétitions aux chambres ; en 1823, des réflexions sur le budget. Il donna aussi à part, avec des appendices, un grand nombre de ses discours