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pas sans intérêt de rechercher sur quelles bases s’est constitué l’empire des Gaulois en Asie, et d’examiner comment ils sont parvenus à s’établir au milieu de royaumes qui, à cette époque, étaient à l’apogée de leur puissance. Cette fusion si prompte et si facile des conquérans européens avec les peuples asiatiques n’est pas un des phénomènes les moins curieux de cette brillante expédition. Tous les princes décorés des titres pompeux de rois de Pergame, de Pont et de Bithynie, s’empressèrent de concéder à nos barbares ancêtres autant de terres qu’ils en voulaient pour former cette république des Galates que la puissance de Rome se garda bien d’anéantir, mais qu’elle respecta plus que l’héritage d’Alexandre. Si, en remontant au-delà de vingt siècles, nous voyons déjà les peuples gaulois parcourir en vainqueurs l’Europe et l’Asie, ne désespérons pas de trouver à notre tour la constance et l’énergie nécessaires pour fonder au loin des établissemens durables. Il est vrai que les anciens avaient par devers eux un élément qui se trouve aujourd’hui complètement modifié. Ces peuples si fiers de leur liberté ont toujours vécu soumis au plus inexorable despote, tyran jaloux que la gloire et les services rendus trouvaient insensible quand son intérêt avait parlé. Chez les anciens, la cité était toute-puissante, l’individu n’était rien. Quand la ville avait commandé, la famille comme le citoyen devaient s’incliner et obéir. Si l’état social moderne, en affranchissant le simple citoyen du joug immédiat de la cité, en lui donnant une volonté d’action que ne possédaient pas les individus dans la civilisation antique ; si l’indépendance personnelle et l’amour du foyer retiennent les populations groupées autour du clocher communal et ôtent toute chance de succès à un autre Brennus qui voudrait entraîner de nouvelles tribus vers les pays lointains, il faut pourtant dans ce contre-courant qui reporte l’Europe vers les contrées asiatiques, que la France trouve aussi à se creuser un lit ; il faut bien que tant d’hommes d’Orient qui élèvent à elle des cœurs confondus dans la même croyance, finissent par ressentir les bienfaits de sa protection, le jour où l’empire d’Orient, tombant comme un fruit trop mûr d’une tige desséchée, laissera se répandre au loin les germes de prospérité et de civilisation qu’il renferme encore dans son sein.

N’est-ce pas la destinée irrévocable de l’Asie mineure d’être toujours peuplée par des habitans venus des pays voisins ? À aucune époque, les peuples de la presqu’île occidentale d’Asie n’ont réclamé le titre d’autochtones. Il résulte de l’examen des auteurs qui ont traité de la géographie et de l’histoire ancienne de cette contrée,