Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/588

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
584
REVUE DES DEUX MONDES.

auteurs anciens étaient d’accord pour placer Pessinunte sur les bords du Sangarius ; aussi cherchait-on les ruines de cette ville en suivant la vallée de la Sakkaria, l’ancien Sangarius ; mais on n’avait pas remarqué que plusieurs rivières, qui ne sont que des affluens du Sangarius, portent aussi le nom de Sakkaria. Il est bien probable qu’il en était ainsi chez les anciens, car, en réalité, la ville de Pessinunte était éloignée de vingt milles en ligne directe du cours principal du Sangarius.

Sevri Hissar est la ville moderne la plus voisine de ces ruines, qui se trouvent aujourd’hui dans le plus triste état, parce que, depuis des siècles, les monumens de marbre blanc de Pessinunte sont exploités comme carrière pour la construction des bains et des fontaines de la ville turque. Les colonnes cannelées du temple de la mère des dieux sont fendues et débitées en dalles pour couvrir les tombeaux musulmans.

Pessinunte était située dans une vallée formée par un cours d’eau qui se rend au Sangarius. Au nord est une montagne dépouillée et conique dans laquelle on doit reconnaître le mont Agdistis des anciens. Le temple de la mère des dieux était de la forme de ceux qu’on appelle temenos, c’est-à-dire que l’édifice était entouré d’une grande esplanade qui renfermait les logemens des prêtres et des pèlerins. Cette disposition des temenos, commune à tous les grands temples d’Asie, est encore usitée aujourd’hui pour les pagodes de l’Inde, comme pour les grandes mosquées musulmanes. On retrouve dans ces temples modernes le naos, l’area, le stoa et le temenos disposés comme dans l’antiquité. Autour des ruines du temple principal, on remarque les débris des temples élevés par les princes de Pergame. Un théâtre et un stade, des portiques qui conduisent à un vaste agora, une acropolis dont les hautes murailles étaient de marbre blanc, tel est l’ensemble des ruines de l’antique et célèbre ville de Pessinunte, dont le nom même a disparu sans laisser de traces. Le village misérable qui occupe une partie de l’ancienne enceinte est appelé Baldassar.

Le passage du fleuve Sangarius fut effectué par l’armée romaine aux environs de Gordium. Tous ces lieux ont aujourd’hui changé d’aspect, car les villes nombreuses qui couvraient les plaines de la Galatie ont complètement disparu. Les Gaulois se défendirent en désespérés dans les défilés de l’Olympe qu’ils avaient à peine fortifiés, dans la conviction où ils étaient que les Romains n’oseraient pas les attaquer dans leur retraite. Le résultat de cette journée fut la défaite des Troc-