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LES GAULOIS EN ASIE.

d’un ordre de choses plus stable et plus régulier en Turquie, elles n’avaient qu’un mot à dire, et ce mot, elles ne l’ont jamais dit. La dépopulation qui augmente chaque année d’une manière notable est une des principales plaies qui affligent la Turquie. En appelant en Orient la colonisation européenne, la population se retremperait dans une sève nouvelle, et reprendrait des habitudes de travail et d’industrie, seule voie de salut qui lui soit ouverte. L’Europe elle-même, en ouvrant un débouché certain à sa population exubérante, profiterait d’un tel état de choses. Il est déplorable de voir des centaines de familles quitter les pays allemands pour aller chercher des établissemens aux terres australes, où elles ne trouvent que la misère et les maladies, tandis que si près de l’Europe il existe d’immenses pays, d’admirables terres incultes et désertes, qui pourraient nourrir plusieurs millions d’hommes ; tant de villes dont on pourrait relever les murailles, tant de ports abandonnés d’où partaient jadis des flottes qui portaient jusqu’en Italie les grains, le vin et les fruits de l’Asie. Pourquoi donc, dans un temps où une moitié de l’Europe est à charge à l’autre, où le malaise général qui se manifeste dans tant de pays vient uniquement de ce qu’il y a trop de gens qui ne possèdent pas, pourquoi donc n’ouvre-t-on pas des débouchés à cette population qui souffre et qui murmure ? L’Allemagne, l’Irlande, la Suisse, contribueraient à rajeunir cette contrée ; de Smyrne à l’Euphrate, que de terres à occuper, à fertiliser, sans nuire aux droits acquis des habitans actuels. Mais par suite d’une législation égoïste et mauvaise, conséquence naturelle de l’antipathie qui existait entre les Turcs et les chrétiens, les Européens ne peuvent pas posséder dans l’intérieur du pays. Ceux qui ont acquis des biens-fonds aux environs des grandes villes les ont placés sous le prête-nom d’un raya. L’article des capitulations relatif à la propriété foncière laisse trop à désirer pour que les puissances européennes ne songent pas à le faire réviser prochainement. C’est de ce jour que commencera une ère nouvelle pour la Turquie. Comment dans les temps anciens l’Asie mineure est-elle parvenue à un si beau développement de richesses (car il faut toujours revenir à l’antiquité quand on veut voir de grandes choses accomplies par des moyens simples) ? C’est par la colonisation européenne. Les premiers Grecs, en arrivant dans ces contrées, trouvèrent des peuples aussi peu civilisés que le sont les Asiatiques de notre temps, et en peu d’années l’aspect du pays avait complètement changé. Ne serait-il pas possible de faire ce que les anciens ont fait ? Ne pourrait-on ouvrir sous la protection des puissances