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SITUATION ACTUELLE DE LA FRANCE.

le traité de juillet, si nous eussions consenti à le signer, était en soi quelque chose d’admirable et d’excellent ; mais ce sont là des jeux d’esprit dont la France fait autant de cas à peu près que de certaines palinodies plus déplorables encore. Il reste donc parfaitement établi que le traité du 15 juillet avait pour but réel, de la part de la Russie, la rupture de l’alliance anglo-française, de la part de l’Angleterre, l’anéantissement de notre influence en Orient. Il reste parfaitement prouvé que ce double but a été atteint et que, si le traité a échoué dans sa pensée officielle et avouée, il a pleinement réussi dans sa pensée secrète. Sur ce point toute illusion est impossible, et la France entière sait à quoi s’en tenir.

Quoi qu’il en soit, la chambre, au début de la session, a jugé que la France avait bien fait de parler pour revenir sur ses paroles, d’armer pour ne pas se servir de ses armes, de menacer pour ne donner aucune suite à ses menaces. Elle a jugé qu’une influence lointaine et incertaine ne valait pas la peine d’être défendue au risque d’une collision. Elle a jugé enfin qu’il convenait d’assister, sans mot dire, aux coups dont l’artillerie anglaise battait en brèche à la fois la puissance égyptienne et la puissance française. C’est là un arrêt contre lequel il n’est point d’appel légal, et qu’il faut respecter quand même on ne l’approuverait pas. Cependant, en même temps qu’elle souscrivait à l’abandon de la politique du 12 mai et du 1er mars, la chambre, d’accord avec le cabinet, posait les bases d’une politique nouvelle, d’une politique qui, dans la discussion et le texte même de l’adresse, trouvait son développement et sa sanction. Cette politique est-elle celle qui ressort des derniers actes du ministère et notamment de la convention du 13 juillet ? Voilà la première question qui se présente.

On sait combien, pendant la discussion de l’adresse, plusieurs défenseurs du cabinet, plusieurs ministres même, trouvèrent la note du 8 octobre insuffisante et timide. Selon M. Dufaure, la note du 8 octobre était un acte de faiblesse, non un acte de force. Cette note avait sans doute raison de réserver l’Égypte d’une manière absolue, définitive. Elle avait tort d’abandonner la Syrie aux chances de la guerre. L’accomplissement même rigoureux de la note du 8 octobre ne pouvait donc suffire aux justes susceptibilités du pays. M. Dufaure terminait par supplier M. l’amiral Duperré de renvoyer notre escadre en Orient, non sans doute pour se donner la satisfaction puérile de jeter quelques belles manœuvres au milieu des victoires de la coalition, mais pour intervenir dans les évènemens et pour les modifier avec honneur et profit.