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le consul de France pour guérir le roi de Gondar d’une maladie cutanée. Poncet remplit l’objet de sa mission et parcourut le pays avec tous les honneurs dus au sauveur du prince. Sur son récit, Lenoir du Roule voulut partir en 1704, mais il fut massacré, dans le Sennaar, avec toute sa suite, devant le palais du melek ou roi du pays. De du Roule à Bruce il y a un nouveau vide, mais de Bruce jusqu’à nous les tentatives abondent. Le célèbre voyageur écossais n’a pourtant été surpassé ni par ceux qui l’ont précédé, ni par ceux qui l’ont suivi : sa relation est encore le document le plus exact, le plus complet qui existe sur l’Abyssinie. Le principal mérite de MM. Combes et Tamisier est de l’avoir copié quelquefois ; leur plus grand tort est de ne l’avoir pas copié plus souvent. Bruce entra en Abyssinie par le Tigré, franchit le Tacazzé, affluent du Nil, traversa les montagnes de Lamalmon, les plateaux du Woggora, et arriva à Gondar. Le souverain qui y résidait l’accueillit avec bienveillance et lui donna toutes les facilités nécessaires pour explorer la contrée. Bruce visita le lac de Tazna, la plus vaste nappe d’eau qui existe dans ces montagnes, et, gagnant les rives du Nil, il crut avoir trouvé la source de ce fleuve près du village de Ghich. C’était en effet la source du Nil bleu (Bahr-el-Azrek) ; mais la source du Nil blanc (Bahr-el-Abiad), c’est-à-dire la plus importante et la plus lointaine, restait encore à trouver. Le mystérieux problème subsiste donc, même après Bruce. Le voyageur fut plus heureux dans son travail sur les chroniques abyssines ; travail dont l’érudition a défrayé presque toutes les relations postérieures.

Salt succéda à Bruce, et ne fit guère que suivre le même itinéraires à deux reprises différentes. Seulement, averti par les dangers que son devancier avait courus, il évita de retourner par le Sennaar et de se confier aux sables du désert libyque. Ses excursions ne dépassèrent pas le Tigré, et son livre se compose plutôt de commentaires que de découvertes. Les détails en sont pourtant finement touchés, et l’observation n’y manque pas de délicatesse. À son voyage se rattachent ceux de lord Valentia, de Nathaniel Pearce et de Coffin : ces deux derniers se fixèrent dans le pays vers 1810. Coffin y vit encore : marié à une indigène, il habite tantôt Adoua, tantôt Devra-Damo, tantôt Gondar. M. Samuel Gobat, missionnaire de la société biblique de Londres, le rencontra en 1830, et en 1838 MM. Dufey et Aubert eurent avec lui des relations assez fréquentes. Durant ces dix dernières années, les voyages dans ces plateaux africains se sont succédés presque sans interruption. Nous venons de citer M. Gobat, qui y séjourna trois ans, et MM. Dufey et Aubert, dont la relation