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SITUATION ACTUELLE DE LA FRANCE.

l’intimidation. Je refuse donc de croire qu’après avoir été pressant et ardent pour l’association commerciale, le ministère du 29 octobre se soit tout à coup refroidi et ralenti. Je refuse de croire que, depuis les notes qui lui sont parvenues, il ait découvert subitement dans cette association une foule de difficultés et d’inconvéniens auxquels il ne pensait pas auparavant. Je refuse de croire surtout, comme le bruit en court, qu’une résolution définitive ait été prise, et que cette résolution soit négative. Une telle résolution, dans un tel moment, après de telles menaces, serait un acte dont je n’accuserai jamais sans preuves le gouvernement de mon pays. Quoi qu’il en soit, le projet dont il s’agit n’a point abouti encore, et le succès en est douteux. Qu’il échoue définitivement, et l’an prochain peut-être, nous verrons la Belgique associée à la Prusse, c’est-à-dire hors de notre sphère, et doublement séparée de la France.

Je n’ai jusqu’ici parlé que des pays voisins de la France. Portons les yeux au loin, en Amérique, en Grèce, dans l’empire ottoman. Je passe sur les États-Unis, bien que dans ce pays notre considération et notre influence aient également souffert des deux votes contradictoires de la chambre et de la double conduite du gouvernement dans l’affaire de la dette américaine : les États-Unis, ennemis et rivaux nés de l’Angleterre, ne peuvent, dans le cas d’un conflit européen, manquer d’incliner vers nous, autant du moins que le permettent leurs intérêts commerciaux et le soin de leur neutralité.

L’Amérique du Sud est loin d’être dans la même situation. Au milieu des récits divers que depuis quelques mois nous avons entendus et lus sur l’origine et sur les phases successives de nos dernières querelles avec l’Amérique du Sud, il est certainement difficile de se former une opinion bien précise. Pour moi, malgré ce qu’on a dit à la tribune et ailleurs, je suis disposé à croire que nos agens dans ces pays n’ont point eu les torts qu’on a trouvé commode de leur imputer. Quand on a l’honneur de représenter la France auprès de gouvernemens à demi sauvages, et pour qui le droit des gens est encore un vain mot, il faut, si l’on ne veut tomber dans le mépris, se montrer fier et susceptible. Or, je ne sache pas qu’au début du moins les agens français aient fait plus. J’admets toutefois, si on le veut, qu’à l’origine les différends de la France avec le Mexique et Buénos-Ayres ne valussent pas le bruit qu’on en a fait. J’admets que nos agens se croient trop engagés d’abord, et que plus tard ils aient embrassé trop facilement de vaines et trompeuses apparences ; encore