Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/823

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
819
REVUE. — CHRONIQUE.

public se forme, et qu’on apprenne non pas à admirer tel ou tel système, mais à chercher le beau dans tous les systèmes et dans tous les styles. Nous nous applaudissions tout à l’heure de voir les architectes devenir antiquaires ; tout serait pour le mieux si les antiquaires devenaient artistes.

Nous ne pouvons que signaler à nos lecteurs les planches nombreuses qui accompagnent l’ouvrage de M. Letarouilly. L’examen de ces planches fera mieux connaître que nous ne pourrions y parvenir par les plus longues descriptions, la parfaite exécution, la fidélité des mesures, l’exactitude des moindres détails. Au milieu de tant de belles et consciencieuses études, nous recommanderons à l’attention des artistes, d’abord le grand plan de Rome, — un travail très étendu sur le palais de la Chancellerie du Bramante, — le cloître de Sainte-Marie della Pace, du même architecte, et son temple de Saint-Pierre-in-Monotorio, cette miniature grandiose, que Palladio a comprise au nombre des monumens antiques, — le magnifique palais Sacchetti de San-Gallo, — le palais Linotte, de Balthazar Peruzzi, enfin la Farnésine, ce ravissant édifice que Vasari a si heureusement caractérisé en disant qu’il semblait non pas bâti, mais venu spontanément : Non murato, mà veramente nato.

Ces planches sont accompagnées d’explications plus ou moins étendues qui appellent l’attention sur les parties des édifices qui méritent ou l’éloge ou la critique, et souvent à ces observations purement techniques, l’auteur a joint de courtes notices fort intéressantes sur les différens architectes dont il passe en revue les ouvrages. Il y a, dans toutes les remarques de M. Letarouilly sur les maîtres, une convenance parfaite et un ton de bonne compagnie trop rare aujourd’hui pour qu’on le passe sous silence. Tout en louant la timidité respectueuse avec laquelle il présente ses opinions sur les œuvres des maîtres, on pourra parfois lui reprocher un peu d’indécision dans sa critique, où l’absence d’un système se fait sentir de temps en temps. Les artistes de la nouvelle école surtout préfèreraient, je crois, à cet éclectisme qui préside à tous ses jugemens, un choix passionné et « des haines vigoureuses. » En suivant une autre méthode plus modeste et moins contestable, M. Letarouilly a peut-être rendu son ouvrage plus réellement utile pour l’enseignement. Son but n’a point été de régenter l’art. Il s’est borné à présenter des exemples avec impartialité, laissant ensuite aux bons esprits à se prononcer librement sur une question suffisamment éclairée. Dans la situation actuelle de l’art, cette méthode a de grands avantages, et jamais nous ne blâmerons ceux qui, au lieu de formuler un système à priori, rassemblent des faits nombreux et les soumettent à une critique impartiale.

En analysant le livre de M. Letarouilly, nous n’avons pas suivi l’ordre qu’il a adopté. Les explications dont nous venons de parler sont précédées par plusieurs mémoires réunis sous le titre de renseignemens divers. C’est comme une série de petits traités archéologiques ou historiques dont quelques-uns se rattachent d’assez loin à son sujet principal, mais qui renferment tous des notions utiles. Les voyageurs et les artistes trouveront là des renseignemens précieux et d’excellens résumés d’une foule d’ouvrages que peu de personnes ont le temps ou la patience de consulter. Nous signalerons particulièrement aux lecteurs de toutes les classes une description topographique de Rome, un excellent mémoire sur la constitution physique du sol et sur les matériaux