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VOYAGE DANS L’ABYSSINIE MÉRIDIONALE.

cet appareil il fut reçu par le clergé, qui bénit ses armes. Les soldats, à leur tour, défilèrent devant les prêtres et retournèrent dans leurs quartiers. La religion chrétienne, dominante en Abyssinie, y a conservé des formes simples comme celles qui prévalurent dans les premiers âges de l’église. Elle y est si profondément enracinée, que le nom même d’une grande division du pays, Amhara, est synonyme de chrétien. Le rite local est le rite cophte, et se rattache au schisme des monophysites. Les Abyssins croient à la Trinité, mais ils ne reconnaissent en Jésus-Christ qu’une nature, la nature humaine. Leur culte d’adoption est celui de la Vierge (Sené Mariam), qui, en qualité de mère du Christ, a, disent-ils, plus de droits que son fils à la vénération des fidèles. Ils baptisent les enfans en les lavant de la tête aux pieds dans de l’eau bénite, et leur passent ensuite une chemise blanche : ce baptême est renouvelé chaque année, et le 18 janvier toute la population va se baigner à cette intention dans la rivière. La circoncision se pratique sur les hommes et sur les femmes. Quoique le mariage soit ordinairement béni par les prêtres, il n’est pas rare que les naturels se passent de cette cérémonie. Le samedi et le dimanche sont deux jours fériés consacrés aux exercices religieux. Il y a dans ce rite deux carêmes, l’un de quarante jours qui précède Paques, l’autre de dix-huit jours pendant l’Avent. L’un et l’autre sont observés avec une fidélité scrupuleuse ; tant qu’ils durent, les fidèles ne font qu’un repas par vingt-quatre heures et après le coucher du soleil : la viande, le laitage, les œufs, sont interdits : il faut se contenter de légumes à l’huile ou au piment.

Les prêtres sont ordonnés par un évêque cophte que le patriarche du Caire envoie à Gondar, et de qui relève tout le clergé local. Aujourd’hui ce poste est vacant, et l’église n’a plus de supérieur. Cela vient de ce qu’à chaque extinction l’Abyssinie devait, de temps immémorial, payer un tribut au patriarche du Caire, afin d’obtenir de lui l’installation d’un nouveau prélat. Or, au décès du dernier évêque, le patriarche a voulu élever des prétentions exorbitantes, et les Abyssiniens ont refusé de s’y soumettre. Les chrétiens de l’Amhara se résignent à recevoir un chef spirituel, mais ils ne veulent pas être rançonnés à cette occasion. Pour peu que cette lutte dure encore, l’Abyssinie apprendra sans doute à se passer de la médiation du Caire, et organisera dans son sein une église indépendante. Comme architecture, les édifices consacrés au culte n’ont pas une grande valeur : ceux qui sont dignes de quelque attention ont été bâtis par des ouvriers portugais, à l’époque où les jésuites gouvernèrent les