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DE LA POÉSIE LYRIQUE EN ALLEMAGNE.

nourrisson. — Le caractère de ces divers états ne saurait être exprimé mieux qu’il ne l’est dans ce poème, véritable microcosme où vous voyez se mouvoir le moyen-âge tout entier. Cependant les convives assemblés comprennent la solennité du moment : en face de la Mort, leurs dernières illusions se dissipent ; on avoue ses fautes et ses crimes, on implore une prolongation d’existence, et, toute chance de salut évanouie, on se recommande à la miséricorde divine. La Mort, de son côté, poursuit sa tâche et leur adresse une réprimande profonde, disant que, s’ils se sentaient la conscience pure, ils n’auraient point à trembler devant elle, puis, à la fin, les console à sa manière, en leur rappelant que son blâme n’atteint pas l’individu, mais l’espèce humaine. — La danse des morts, représentée par Johann Kumber sur le mur du cimetière des Prédicateurs, à Bâle, remonte à 1431. Celle de l’église de Sainte-Marie, à Lubeck, du même auteur, date de 1403. Sous cette peinture, on lisait autrefois plus d’une poésie, plus d’un lied expliquant les attitudes pittoresques et les sentimens des personnages, entre autres ces deux vers si naïfs, écrits sous le berceau d’un enfant que la Mort venait prendre pour l’entraîner dans le terrible divertissement : « Ô Mort, comment dois-je entendre ceci ? Tu veux que je danse, et je ne puis marcher encore ! »

Nous avons voulu donner une idée du lied religieux en Allemagne, du lied mystique et divin ; essayons maintenant de caractériser en peu de mots un autre genre de cette poésie populaire, de mettre en évidence une facette nouvelle du diamant. Parlons du lied terrestre, du lied d’amour proprement dit. Ce n’est pas que nous devions nous attendre à perdre de vue tout-à-fait les sources religieuses, à ne plus retrouver trace de l’influence catholique. Les rayons dorés de la légende nous frapperont encore çà et là, mais moins vifs, car nous sommes sur la terre moins saisissables, car ils auront à percer désormais à travers le nuage des passions et des calamités humaines. L’amour terrestre remontera plus d’une fois jusqu’aux sources de l’amour divin pour s’y vivifier ; comment ferait-il différemment ? La légende est aussi indispensable à son existence que la nature, autre élément dont nous le verrons disposer à son gré et qui lui servira à rendre sensibles les affections du cœur, comme l’autre, l’élément divin, à les épurer. La nature interviendra toujours, l’image ne dût-elle se prolonger que le temps d’un soupir, comme dans ce refrain, par exemple :

« Si j’étais un petit oiseau et si j’avais deux petites ailes, je volerais à toi. »

Une chose qui vous étonne dans le lied populaire, c’est la concentration du sentiment. Vous trouvez là, dans quelques vers, la tendresse,