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meilleur des imitateurs du grand maître de Nuremberg, sont les deux morceaux de ce genre les plus curieux. La Visitation de la Vierge à sainte Élisabeth est un de ces précieux chefs-d’œuvre de naïveté, de conception et de finesse d’exécution qu’on rencontre à de longs intervalles dans les musées de ces vieilles cités du centre de l’Allemagne. L’admirable conscience de l’artiste, son angélique pureté morale, la science souvent poussée jusqu’au pédantisme le plus raffiné, dans l’exécution des draperies surtout, brillent dans l’ensemble et dans chacune des parties de ce beau tableau. Le paysage, par exemple, si souvent négligé comme accessoire dans les ouvrages de ce genre, est un chef d’œuvre d’agencement et d’exécution. Cette belle habitation gothique, placée sur la cime d’une colline et dominant un chemin montueux que bordent de maigres arbustes, nous reporte en plein moyen-âge. Un simple détail cependant date le tableau et nous apprend que nous touchons à l’époque de transition de ces temps reculés aux temps modernes. Ce sont les ailes d’un moulin à vent que l’on entrevoit à l’horizon sur une colline. Comme Dante dans son poème, les peintres religieux faisaient entrer toute leur époque dans leurs compositions, qui réunissent de cette façon à la profondeur de conception et à la naïveté d’exécution un intérêt de curiosité et d’érudition des plus puissans. Ce tableau d’Aldegraver, dessiné par M. Metalli, a été gravé par M. Lazinio. Cette petite gravure réunit à un degré rare l’habileté du praticien moderne et l’intelligence de l’époque. On dirait une des admirables et naïves esquisses de Lucas de Leyde. Les premiers plans seuls sont faibles ; les brisures du terrain ressemblent trop aux plis d’une étoffe, la maigreur des plantes est aussi par trop exagérée.

Les portraits de Jean Calvin et de Marguerite de Valois par Holbein ressemblent à tant d’autres portraits du même peintre. C’est la nature prise sur le fait, avec une sorte de bonhomie sublime, mais souvent aussi avec maigreur et petitesse. On voudrait dans cette façon de représenter la nature un peu plus de mouvement et de vie. L’œil de l’artiste a daguerréotypé son modèle, n’oubliant ni un cheveu, ni un poil de la barbe, ni un pli de la chair, ni une verrue ; il a seulement oublié de l’animer.


L’examen rapide auquel nous venons de nous livrer peut faire juger de l’importance de la nouvelle galerie piémontaise. C’est, en effet, après les musées du palais des Studj à Naples et du Vatican à Rome, l’une des collections les plus curieuses par le choix et la