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LE DOCTEUR HERBEAU.

savez-vous ? Non, vous ne le savez pas, vous ne le saurez jamais, car je n’oserai le redire, je connais trop le respect que l’on doit à votre personne. Il a dit que vous étiez une ganache.

— Soyez sûr, monsieur, que le docteur Herbeau n’a pas dit cela, affirma M. Savenay avec assurance.

— C’est moi qui l’ai dit, répliqua M. Riquemont un peu troublé, mais pour le lui faire répéter.

— Vous avez eu tort, monsieur, ajouta le jeune homme en souriant. Rappelez-vous les paroles du Christ : Vous ne tenterez pas votre Dieu. Mais brisons là. M. Herbeau me croyait mort, il m’a pu juger sévèrement. L’Égypte en faisait autant de ses rois ; j’aurais mauvaise grace à me plaindre.

— Mais vous ne savez pas tout ce qu’a dit le vieux scélérat ! s’écria le châtelain avec rage. Il s’est réjoui de votre mort.

— Permettez-moi de n’en rien croire.

— Il a prétendu que vous n’étiez pas grand’chose de bon.

— C’est tant pis pour moi.

— Que vous étiez un faiseur d’embarras !

— La chose est possible.

— Un faquin !

— Comme il vous plaira.

— Un espion de la police !

— Cessons, monsieur, ces enfantillages. Quelle que soit l’opinion que le docteur Herbeau professe à mon égard, elle ne saurait modifier en rien celle que j’ai de son esprit, de son caractère et de son mérite.

M. Riquemont se mordit les lèvres et resta silencieux, déconcerté par ce ferme langage et par cette digne attitude.

— Jeune homme, reprit-il au bout de quelques instans, souffrez que je vous adresse une question qui pourra d’abord vous sembler indiscrète, mais qui vous prouvera le sérieux intérêt que je vous ai voué. Êtes-vous riche ?

— Ma pauvreté ne doit rien à personne, répondit le jeune docteur.

— Vous êtes pauvre ?

— Oui.

— Et vous voulez faire fortune ?

— Non.

— De par tous les diables ! vous êtes fou, monsieur, s’écria le châtelain avec humeur. Qu’êtes-vous donc venu chercher à Saint-Léo-