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puissance toujours croissante des Hollandais, et suscités d’ailleurs par les Anglais, résolurent de chasser de leur île la colonie marchande et guerrière qui s’y était en peu de temps si bien implantée. Deux fois ils s’avancèrent avec une armée considérable devant la forteresse construite à Batavia, deux fois ils en firent le siége avec opiniâtreté, deux fois ils furent repoussés par une troupe peu nombreuse, mais intrépide.

Nous ne dirons pas toutes les autres guerres que la Hollande eut à soutenir pour se fixer dans l’Inde, tous les exploits par lesquels elle se signala dans sa longue lutte avec des nations jalouses de son accroissement, tous les noms glorieux qu’elle inscrivit dans ses annales à la suite de ses batailles. Notre but n’est pas d’écrire l’histoire militaire de la compagnie hollandaise des Indes : nous voulons montrer par quel système d’administration cette compagnie est parvenue à tirer un si grand produit de ses possessions coloniales, et par quelles phases différentes elle a passé pour atteindre ce résultat.

Quand cette société fonda le comptoir de Java, elle ne possédait pas, dans toute l’étendue de l’île, la moindre parcelle de terrain. Plus tard, elle acquit l’espace nécessaire pour bâtir ses magasins et élever sa forteresse. Tout son domaine alors fut renfermé dans ses remparts. Cet état de choses dura pendant soixante-dix ans (de 1602 à 1672), et jamais, si l’on en excepte ces années dernières, sa situation ne fut plus florissante. Ses efforts étaient alors concentrés dans les spéculations de commerce. Habile et économe, éloignée de toute fausse idée de luxe et de toute vaine ambition, sans cesse elle apprenait à restreindre ses dépenses et à augmenter ses bénéfices. Son commerce était, du reste, établi sur des bases fort peu compliquées ; c’était simplement un commerce d’échange dont elle avait bien vite saisi le côté le plus avantageux. Elle expédiait à Java des marchandises européennes achetées à bas prix, et les échangeait contre des denrées coloniales qu’elle faisait arriver dans les ports de Hollande et vendait fort cher. Elle n’avait de relations d’affaires qu’avec les princes et les chefs de l’île ; c’était à eux qu’elle livrait ses cargaisons, c’étaient eux qui lui remettaient les productions de leur sol récoltées par leurs sujets et entassées dans leurs magasins. Tout se traitait ainsi par voie d’échange, et tout était bénéfice pour la compagnie. D’année en année, son revenu s’augmentait dans des proportions énormes. En 1653, après avoir payé ses frais d’achat et de transport, et les intérêts de son capital, elle réalisait un bénéfice de 25,526,682 florins (51,153,364 francs). En 1673, ce bénéfice s’élevait à plus de 44 mil-