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DES PARTIS EN FRANCE.

devant les électeurs et s’inscrire d’avance sur ses contrôles. Ce fut l’apogée du centre gauche, qui, depuis ce moment, n’a, comme les autres partis, fait que déchoir et se décomposer.

La première perte notable qu’il subit fut celle d’un de ses plus anciens chefs, M. Dupin, qui, on s’en souvient, refusa de le suivre dans la coalition. Cette perte isolée et toujours réparable n’avait pourtant point affaibli le centre gauche, qui, le lendemain des élections de 1839, restait encore le vrai centre de gravité politique et le maître de la situation. Mais une scission aussi difficile à prévoir qu’à expliquer éclata dans ses rangs, qui, en peu de jours, détruisit sa puissance et son autorité. Depuis cette scission, qui ne voit que, flottant entre des tendances diverses, le centre gauche ne sait plus où prendre son assiette, où trouver son point d’appui ? La majorité sans doute, la grande majorité, est restée fidèle à M. Thiers et à la coalition ; mais, dans cette majorité même, il y a des consciences troublées, des esprits perplexes, des cœurs découragés. C’est évidemment le moment d’une crise dont l’issue est encore incertaine ; c’est le commencement d’une transformation qui autorise toutes les conjectures et se prête à toutes les combinaisons. Si jadis le centre gauche a eu un lien réel, ce lien est évidemment brisé. C’est par des alliances et sur des bases nouvelles qu’il est appelé à se reconstituer.

Je viens de parler de trois partis qui, pendant les premières années de notre révolution, ont marché souvent d’accord et concouru à faire prévaloir la politique dont M. Périer est la plus claire et la plus glorieuse personnification. Le parti qu’il me reste à examiner a, au contraire, combattu cette politique, et n’a guère depuis quitté l’opposition. Long-temps donc on avait pu supposer que, dominée par de vieilles habitudes et enchaînée aux idées comme aux pratiques de l’opposition, la gauche constitutionnelle était incapable de devenir un parti de gouvernement, et de prêter à un pouvoir, quel qu’il fût, un appui durable et sérieux. Long-temps on avait pu croire au moins qu’il faudrait acheter un tel appui par des concessions incompatibles avec tout bon gouvernement. En 1836, sous le 22 février, en 1840 surtout, sous le 1er  mars, la gauche constitutionnelle a prouvé qu’on se trompait. C’est là un progrès notable et qui doit réjouir tous ceux qui croient que tôt ou tard le mécanisme constitutionnel doit appeler la gauche au pouvoir en lui donnant la majorité.

S’ensuit-il pourtant que la gauche constitutionnelle soit aujourd’hui plus que la droite, plus que le centre droit, plus que le centre gauche, composée d’élémens homogènes et animée par une pensée