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LE CONSEIL D’ÉTAT.

toutes les difficultés que peuvent soulever les contrats passés par l’administration. Les affaires du contentieux administratif sont innombrables, mobiles, incessantes : elles n’en font pas partie en vertu d’un texte de loi, parce qu’il aura, pour ainsi dire, plu à un législateur de les y comprendre, mais bien par leur nature propre : aucune loi spéciale n’a dû intervenir pour les y classer, il en faudrait une pour les en distraire ; elles composent entre elles un ensemble légal, un corps de droit ; les lois et les principes généraux qui les régissent forment le droit commun de l’administration, comme le Code civil est celui des intérêts privés et des transactions ordinaires des citoyens.


La véritable définition du contentieux administratif se trouve dans la jurisprudence du conseil d’état qui, depuis quarante ans, exerce la haute juridiction administrative, et c’est cette longue et scrupuleuse élaboration qui l’a composé.

Le conseil d’état s’est toujours renfermé dans les deux caractères qui constituent exclusivement le contentieux administratif ; jamais, sauf les dispositions exceptionnelles qui en décidaient autrement d’une manière expresse, il n’a admis de recours, s’il ne contenait une réclamation fondée sur un droit, et si ce droit n’appartenait pas à l’action administrative.

Ainsi, il a toujours repoussé toute prétention fondée sur un simple intérêt, l’a renvoyée devant l’administration pure et a refusé d’en connaître par la voie contentieuse. (Jurisprudence du conseil d’état, passim.)

Il a soigneusement rendu aux tribunaux toute question de droit commun ou d’intérêt privé. Dans les affaires contentieuses dont il était saisi régulièrement, il a distrait tous les incidens qui n’avaient pas un caractère administratif et s’est abstenu de les juger. (Ibidem.)

Dans les actes même du gouvernement, il a distingué ceux qui tenaient spécialement au pouvoir administratif, des actes qui remontaient aux autres attributions de la couronne.

Ainsi, il a refusé de connaître de discussions relatives à des traités ou à des négociations diplomatiques, laissant au gouvernement seul le règlement de droits qui pouvaient affecter nos relations internationales. (Arrêts des 4 mai 1835, 7 mars et 5 décembre 1838.)

Il a refusé de connaître de discussions relatives à des règlemens financiers soumis au vote des chambres, laissant à l’action parlementaire son droit d’examen et sa juridiction politique sur ces matières. (Arrêt du 4 décembre 1835.)