Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/626

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
622
REVUE DES DEUX MONDES.

Lorsqu’en l’an VIII, le gouvernement réorganisa l’administration, les conseils de préfecture furent créés pour statuer sur la plus grande partie du contentieux administratif, et notamment sur les contestations que la loi du 11 septembre 1790 avait renvoyées aux administrations départementales. Leur établissement fut l’exécution du projet du comité de l’assemblée constituante dont j’ai parlé plus haut. L’orateur du gouvernement expliquait alors que le projet de loi proposait d’introduire l’unité dans l’administration et la pluralité dans les conseils de préfecture, parce que « administrer est le fait d’un seul, et juger le fait de plusieurs. » La loi du 28 pluviôse an VIII créa donc les conseils de préfecture, véritable juridiction dont les décisions acquièrent l’autorité de la chose jugée, si elles ne sont pas l’objet d’un pourvoi dans un délai déterminé, et emportent hypothèque.

À la même époque était rétabli le conseil d’état. La constitution de l’an VIII l’avait appelé « à résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative. » L’arrêté des consuls du 5 nivôse an VIII décida qu’il prononcerait sur les affaires contentieuses dont la décision était précédemment remise aux ministres. »

Malgré ces expressions qui semblent claires et formelles, depuis l’origine et la reconstitution du conseil d’état, ses décisions ont toujours été converties en décrets ou ordonnances, c’est-à-dire soumises à l’approbation du chef de l’état ; mais on ne saurait inférer de cet usage que le jugement des questions déférées à son examen ne lui appartînt pas en propre. Le recours à la signature du monarque était fondé sur ce que des décrets ou des ordonnances se trouvaient parmi les actes susceptibles d’être annulés par le conseil d’état ; il était convenable que le souverain lui-même intervînt pour prêter l’autorité de son concours à la décision. Il en résultait en fait que la sanction aurait pu être refusée, j’en conviens, quoique la chose ne soit jamais arrivée ; mais il n’en résultait nullement en droit qu’une autre décision pût être substituée à celle du conseil, comme on est arrivé à le prétendre aujourd’hui. À quel titre, et en vertu de quelle loi, aucune autorité quelconque, fût-ce la couronne, se serait-elle attribué le droit de prononcer ? La loi l’a remis au conseil d’état, elle ne l’a point placé en d’autres mains. Je nie absolument qu’il fût loisible au gouvernement de l’exercer par lui-même.

Le principe de la juridiction en matière administrative est donc dans nos lois ; il est admis pour les décisions de première instance ; s’il a reçu quelque atteinte par les formes introduites à l’égard du conseil d’état, il n’a pas cessé d’avoir place dans notre système admi-