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GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

teurs de la république. Le duc de Buckingham et le comte d’Arlington traversèrent La Haye au milieu des plus touchantes acclamations, et les témoignages d’un peuple qui mettait en eux son espoir durent les remplir de trouble et de regret. Aussi le duc de Buckingham, qui n’aurait pas voulu la ruine des Provinces-Unies et qui aimait mieux tromper que déplaire, ayant rendu visite à la princesse douairière d’Orange, lui dit pour la rassurer qu’ils étaient bons Hollandais. — Il suffirait, lui répondit-elle, que vous fussiez bons Anglais[1]. Ils allèrent ensuite au camp de Bodegrave, où ils eurent de longues conférences avec le prince d’Orange. Celui-ci, qui avait reçu des États le pouvoir de traiter, n’offrit pour le roi de France que Maëstricht et les places du Rhin. Le duc de Buckingham parut donner d’abord au prince d’Orange des espérances que le comte d’Arlington mit tous ses soins et toute son honnêteté à lui enlever. Mais à la fin le duc de Buckingham lui-même, faisant céder ses sentimens particuliers à ses ordres, le pressa d’accepter les conditions des deux rois ; et comme le prince s’obstinait, il lui dit : Les glaces de l’hiver feront bientôt tomber ce que les inondations de l’été ont conservé. Ne voyez-vous pas que la république est perdue ? — Je sais un sûr moyen de ne pas le voir, répondit résolument le prince d’Orange ; c’est de périr dans le dernier retranchement[2].

N’ayant pu obtenir du stathouder aucunes concessions satisfaisantes, les plénipotentiaires anglais se rendirent auprès de Louis XIV, qu’ils trouvèrent au camp de Zeist, à deux lieues d’Utrecht, avec lord Halifax et le duc de Montmouth. Les propositions du prince d’Orange ne pouvaient pas convenir au roi victorieux qui avait refusé celles de M. de Groot et qui persistait avec opiniâtreté dans les siennes. Louis XIV, s’appuyant sur les traités conclus, n’eut pas de peine à faire souscrire les ambassadeurs britanniques aux conditions qu’il avait exigées, en ajoutant toutes celles qui pouvaient convenir à leur maître touchant l’honneur du pavillon, le droit de pêche, la possession des côtes de Zélande, et même le gouvernement absolu du reste de la république pour son neveu, le prince d’Orange.

On résolut alors de faire une dernière tentative pour séduire l’ambition de ce jeune prince. Les ambassadeurs anglais envoyèrent MM. Sylvins, Seymour, Jermyn, neveu du comte de Saint-Albans, du camp de Zeist au camp de Bodegrave, pour lui offrir la souveraineté hérédi-

  1. Basnage, Annales, etc., t. II, p. 225. — Cerisier, Histoire générale, etc, t. VII, p. 305-306.
  2. Cerisier, p. 307.