Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/774

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
770
REVUE DES DEUX MONDES.

stantinople devrait avoir lieu de telle sorte à pouvoir être combinée avec une certaine coopération et assistance des forces navales d’Angleterre.

« Ce concours pourrait être déterminé de manière à ne point confondre et à ne point mettre en contact les forces d’une puissance avec celles de l’autre. Cette distinction résulterait même d’un principe sur lequel nous sommes déjà d’accord. Nous considérons en thèse générale les deux détroits de Constantinople comme fermés au pavillon de guerre des nations étrangères. Or, si, par exception à cette règle, et dans l’intérêt commun de la défense de l’empire ottoman, l’un de ces détroits s’ouvrait à vos forces navales, il serait juste et naturel qu’en vertu de la même exception l’autre détroit admît également les nôtres : elles n’y paraîtraient nullement dans l’intention de gêner ni de contrôler votre action. Chacun des deux détroits serait placé sous la sauve-garde des puissances respectives dont les forces resteraient ainsi séparées et ne se trouveraient pas mises en présence. Vous d’un côté, nous de l’autre, nous serions là pour empêcher que l’armée égyptienne ne vînt à franchir le canal de Constantinople. D’ailleurs la disproportion numérique qui existerait entre les forces respectives démontrerait évidemment que notre coopération n’aurait rien d’hostile pour vous, car la présence de trois ou quatre vaisseaux, que nous y enverrions, ne serait assurément pas faite pour entrer en concurrence avec vos forces de terre et de mer concentrées dans le Bosphore. Tout ce qu’il nous faudrait serait de constater à la face de la nation que nous n’avons pas consenti à nous laisser exclure d’une action commune destinée à sauver la capitale de l’empire ottoman, que nous n’avons point souscrit formellement à un principe en vertu duquel la Russie serait investie du pouvoir d’exercer seule ce protectorat. » (Dépêche de M. de Brunnow, 8 octobre 1839.)

Voilà une réponse doucereuse et humble. Avec quel soin touchant lord Palmerston atténue la décision dont il a soin de rejeter la responsabilité sur ses collègues ! Comme on sent, dans ses paroles, le regret qu’il éprouve d’avoir à défendre l’honneur de l’Angleterre contre les prétentions de la Russie ! Comme ce ministre orgueilleux se fait petit devant M. de Brunnow ! S’il insiste sur la présence du pavillon anglais aux Dardanelles, ce n’est, dit-il, que pour la forme et par déférence pour l’opinion publique ; que l’empereur se rende, et l’Angleterre n’enverra que trois ou quatre vaisseaux.

À la manière dont M. de Brunnow rend compte de cette difficulté, on pressent que le cabinet russe cédera. Faut-il en donner la preuve ? Avant même d’avoir pris les ordres de l’empereur, et sur la réponse de lord Palmerston, le négociateur russe presse l’Angleterre de prendre quelques mesures préliminaires et de commencer les hostilités contre Méhémet-Ali. Plaçant une carte de l’Asie mineure sous