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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

les yeux de lord Palmerston, et lui indiquant les deux points, de Ténédos et d’Alexandrie, M. de Brunnow lui dit « Voilà où votre escadre se trouve aujourd’hui, et voilà où elle devrait être pour sauver l’empire ottoman. »

Quelques lignes plus bas, le plénipotentiaire de la Russie se félicite de ce que sa mission a produit l’effet qu’elle était destinée à atteindre. Cela veut dire, en dépit de tous les stratagèmes que l’on emploiera désormais pour dissimuler pendant un temps ce résultat sinistre, que l’alliance de l’Angleterre avec la France est rompue.

Ici viennent se placer les dernières ouvertures de lord Palmerston au ministère du 12 mai. Elles consistent, comme on sait, dans l’offre d’ajouter le pachalik d’Acre, moins la place d’Acre, à titre de possession héréditaire, aux domaines de Méhémet-Ali. Cette concession avait été présentée comme un ultimatum, et le gouvernement français l’ayant jugée insuffisante, lord Palmerston dit sèchement à M. Sébastiani : « Je vous déclare, au nom de mon gouvernement, que l’offre du pachalik d’Acre est retirée. »

Lord Palmerston insiste, dans son memorandum du 31 août 1841, sur un incident dont il faut dire quelques mots. En septembre 1839, M. Sébastiani proposa au cabinet anglais de tracer en Syrie une ligne de l’est à l’ouest, de Beyrouth au désert près de Damas, et de déclarer que tout ce qui serait au midi de cette ligne appartiendrait à l’administration de Méhémet-Ali, ce qui serait au nord à l’administration directe du sultan ; l’ambassadeur français donna même à entendre, toujours selon le memorandum, que, si un pareil arrangement était admis par les cinq puissances, la France s’unirait, en cas de besoin, aux autres cours dans l’emploi des mesures coercitives qui seraient dirigées contre Méhémet-Ali. M. Thiers, dans le memorandum du 3 octobre, affirme en réponse, non-seulement que le général Sébastiani n’avait jamais été autorisé à faire cette proposition, mais que le général, en consultant ses souvenirs, déclarait n’avoir jamais pris sur lui une pareille ouverture. La même dénégation avait été articulée, dès le 22 juillet 1840, par M. Guizot, qui ajoutait que M. Sébastiani avait peut-être parlé en son nom particulier et voici ce que disait alors le ministre anglais, à l’appui de son assertion.

« À des époques antérieures, le comte Sébastiani a plus d’une fois insisté sur ce plan, et il en a parlé au baron Bulow ainsi qu’au baron Neumann, qui n’est arrivé ici que vers la fin de décembre. Il est d’ailleurs impossible de séparer le caractère individuel d’un ambassadeur de son caractère public, surtout lorsque cet ambassadeur s’adresse à un secrétaire d’état dans une entrevue