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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

sa majesté qu’à attendre avec calme les évènemens, ne prenant conseil, pour les régler, que du soin de sa dignité et des intérêts de son empire. »

Faut-il ajouter que M. de Nesselrode invite la France à prendre part aux négociations qui allaient s’ouvrir à Londres ? En vérité, cela semble peu nécessaire. Il est clair, quand on lit cette dépêche vraiment impériale, où la Russie parle, comme si elle était l’Europe à elle seule, de régler les évènemens, et où elle revendique bien clairement la tutelle de l’empire ottoman, que l’autocrate est disposé, dans cette question comme dans toute autre, à se passer de notre assentiment.

Quant au rapprochement que fait M. de Nesselrode entre les impressions de la France et celles de l’Autriche, au moment où la mission de M. de Brunnow fut connue à Vienne et à Paris, il suffira de rappeler que l’Autriche en éprouva d’abord un tel dépit, qu’elle adopta, pour quelques jours, les vues du cabinet français. D’ailleurs, si le cabinet de Saint-Pétersbourg se croyait autorisé, par les rapports de sujétion et d’humilité dans lesquels la Prusse et l’Autriche s’étaient tenues à son égard depuis 1815, à disposer de ces puissances sans les consulter, la France de 1830 avait droit à plus de ménagemens de sa part.

La réponse du maréchal Soult, réplique tardive (car elle est du 24 janvier 1840), ne manque pas de vigueur. On sent que, l’honneur de la France étant directement en jeu, le diplomate a laissé parler le soldat.

« Le gouvernement du roi n’a jamais songé à enlever à la Russie sa part légitime d’influence dans les affaires de l’Orient ; il sait qu’elle doit être grande, pour être en accord avec la nature des choses. Ce que nous avons voulu, ce que nous voulons encore, c’est que les autres puissances ne soient pas déshéritées de celle qui leur appartient également, c’est qu’elles en trouvent la garantie, non pas uniquement dans la modération personnelle du souverain de la Russie, mais bien dans un ensemble de mesures politiques combinées pour la protection efficace de tous les droits et de tous les intérêts.

« Demander que ces droits et ces intérêts ne soient pas à la merci d’une puissance à laquelle il ne manquerait, pour abuser de sa prépondérance, que la volonté de le faire, ce n’est pas, certes, lui témoigner une injurieuse défiance, c’est tout simplement faire acte de prudence et de dignité.

« Le gouvernement du roi serait bien autrement fondé à réclamer contre les assertions sans cesse renouvelées qui le présentent comme se préoccupant exclusivement, dans la question d’Orient, des intérêts du pacha d’Égypte et