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pacha d’Égypte, pour déterminer quelles seraient les limites extrêmes de sa patience, et où l’action commencerait pour lui. Évidemment, les premières démarches du gouvernement français, après le traité du 15 juillet, appartiennent à la politique expectante. Il ne s’est cru ni en état ni en droit de donner le signal des hostilités. De là, cette recommandation, adressée aux amiraux qui commandaient nos escadres, d’éviter toutes les rencontres qui pourraient amener fortuitement un conflit.

Je suis de ceux qui ont pensé, dès les derniers jours de juillet 1840, qu’une démonstration armée de la France sur les côtes de la Syrie, au moment où l’armée d’Ibrahim était entière et l’insurrection du Liban comprimée, eût arrêté les puissances et prévenu les désastres de Méhémet-Ali ; mais aujourd’hui, après ce qui s’est passé, je n’oserais pas encore affirmer que cette opinion fût la meilleure. La guerre pouvait sortir d’un acte aussi décisif, et je comprends que l’on ait reculé devant la guerre dans un moment où la France n’avait pas douze mille chevaux à mettre en ligne, ni cent mille hommes à porter sur le Rhin. Il est des situations tellement violentes, que la politique la plus hardie et la plus ferme tenterait vainement de les dominer. Que les politiques qui se sentent doués de cette puissance surhumaine condamnent le ministère du 1er  mars.

M. Thiers, et je ne lui en fais pas un reproche, avait d’ailleurs conservé des espérances de paix. Il a cru d’abord que la paix lui serait proposée, et plus tard qu’il serait en mesure de l’imposer. On retrouve dans les pièces diplomatiques la trace de trois ou quatre négociations également malheureuses. Plus lord Palmerston nous supposait ébranlés dans notre résolution, et plus il se montrait inflexible. Il fallait l’effrayer pour qu’il cédât. Il paraît que le gouvernement français fit d’abord quelques tentatives pour retarder ou pour empêcher la ratification du traité de Londres. Ces ouvertures s’adressaient aux cabinets de Vienne et de Berlin. On voit, par une dépêche de M. Bloomfield à lord Palmerston (15 août 1840), la joie que le refus de l’Autriche et de la Prusse produisit à Saint-Pétersbourg.

À peu près vers la même époque, le roi Léopold, dans une intention bienveillante, croyant être bien placé pour servir d’intermédiaire entre la France et la Grande-Bretagne, et comptant sur l’appui d’une partie du cabinet anglais, se rendit à Londres, où il portait des propositions qui méritaient un meilleur accueil. Les bases de l’arrangement étaient, dit-on, l’Égypte héréditaire et la Syrie viagère. On prétend qu’avec plus de persistance, Léopold aurait obtenu un