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dans toutes ses parties, car on sait bien que ce n’est pas la logique qui mène le monde. Ce qu’il faut examiner, c’est ce qu’elle a dit. Or, il y est écrit en toutes lettres que le sultan, s’il veut aller au-delà des stipulations du 15 juillet, prendra l’avis de ses alliés. Concevrait-on au surplus que le sultan eût consulté les puissances pour des questions relativement secondaires, telles que l’offre d’un pachalik de plus ou d’un pachalik de moins, et qu’il se dérobât soudain à ce concert pour décider à lui seul la question la plus importante, l’existence même du gouvernement fondé par Méhémet-Ali ? La querelle avait pris des proportions européennes ; la paix ou la guerre dépendait de la conduite que tiendrait la coalition. Attribuer au sultan le privilége que réclamait pour lui lord Ponsonby, c’eût été mettre le sort de l’Europe dans ses mains, dans les mains d’un enfant !

Lord Ponsonby écrivait, le 14 septembre, que les ambassadeurs avaient été unanimes. Cependant on peut induire d’une dépêche du ministre prussien que tous les agens des quatre puissances n’attribuaient pas à cette mesure la même portée. M. de Kœnigsmark, qui n’était pas aussi impatient que lord Ponsonby de détruire le pacha d’Égypte, dit expressément :

« On ne nommera pas un nouveau gouverneur d’Égypte, afin d’avoir plus de facilité pour la réintégration de Méhémet-Ali, si l’avenir le demandait. Izzet-Méhémet-Pacha recevra le titre de séraskier de Syrie, et sera chargé de pourvoir provisoirement à l’administration de l’Égypte. »

Lorsqu’on apprit en France et en Allemagne la nouvelle de la déchéance prononcée contre Méhémet-Ali, l’indignation fut extrême. M. de Metternich se crut obligé de blâmer énergiquement l’internonce, M. de Stürmer, pour la part qu’il avait prise à cette intrigue. Il désavoua même, autant qu’il le pouvait, la conduite du sultan. C’est lord Beauvale qui l’atteste, dans une dépêche datée de Vienne, le 30 septembre, et qui ne contient que ces mots :

« Le prince Metternich a envoyé à l’internonce des instructions qui lui interdisent de concourir à toute proposition qui ne sera pas dans les limites de la convention du 15 juillet, et qui lui enjoignent, dans le cas où une telle proposition serait faite, d’en référer à sa cour. »

Lord Palmerston lui-même, un moment confondu de la réprobation universelle qui frappait cet acte gratuit de violence, saisit l’ouverture faite par M. de Kœnigsmark, et écrivit à lord Granville, le 2 octobre :