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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

y porter atteinte, ce qui était livrer le pacha ; M. Thiers déclare que l’existence du pacha et l’indépendance de l’Égypte sont nécessaires pour assurer les proportions actuellement existantes entre les divers états du monde, ce qui est garantir Méhémet-Ali et mettre son pouvoir à l’abri d’une destruction absolue.

La garantie de la France donnée au vice-roi, sa protestation contre l’acte de déchéance, et le cas de guerre pour la première fois ouvertement posé, voilà une attitude toute nouvelle pour notre gouvernement. La France s’engageait à ne pas laisser périr la dynastie égyptienne ; elle portait la main à son épée ; elle avait plus de quatre cent mille hommes sous les armes. L’humilité des termes disparaissait devant la gravité du fait.

On assure que Méhémet-Ali a dit à M. Cochelet que la note du 8 octobre l’avait sauvé, et qu’il devait un trône à la France. Je n’irai pas jusque-là ; mais, quand on voit le changement que cet acte a déterminé dans la conduite de l’Angleterre, on ne peut pas s’empêcher de penser que, si un peu d’énergie de notre part a obtenu ce résultat, plus de vigueur et de décision dans la politique française eût arrêté, dès le principe, les projets hostiles des coalisés, et que le traité de juillet, si tant est qu’ils l’eussent conclu, n’aurait pas abouti à un commencement d’exécution.

Voici la dépêche qui fut adressée à lord Ponsonby par lord Palmerston le 15 octobre, et par laquelle le ministre anglais demande à la Porte de révoquer la déchéance prononcée contre Méhémet-Ali.

« Le Gouvernement de sa majesté ayant pris en considération l’acte par lequel le sultan a destitué Méhémet-Ali du pachalik d’Égypte, l’effet de cet acte sur les questions pendantes, et la conduite qu’il convient de tenir en conséquence, a invité les plénipotentiaires de l’Autriche, de la Prusse et de la Russie, à représenter à leurs gouvernemens respectifs que les raisons qui ont déterminé le sultan, selon votre rapport, à prendre cette mesure, ont sans doute beaucoup de force, et que, si d’un côté elle n’interdit pas au sultan de réintégrer Méhémet-Ali, dans le cas où il se soumettrait promptement, de l’autre elle peut agir comme un puissant instrument de contrainte morale sur Méhémet-Ali, en lui rappelant que, si la lutte se prolonge entre lui et son souverain, et si le résultat lui est défavorable, il s’expose à tout perdre par une résistance obstinée.

« Dans cette vue, et afin que cet acte récent de l’autorité souveraine du sultan contribue plus efficacement à une solution prompte et satisfaisante des questions en litige, c’est l’opinion du gouvernement de sa majesté qu’il serait à propos que les représentans des quatre puissances à Constantinople reçussent l’ordre de se rendre auprès du ministre turc, et de lui déclarer que leurs gou-