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sées[1], M. de Metternich enjoignait à l’internonce de signifier au divan que, s’il hésitait à modifier le firman d’investiture, l’empereur se regarderait comme étant relevé par cela même des obligations qu’il avait contractées en signant le traité du 15 juillet, et comme rendu à toute sa liberté d’action[2]. En même temps, le ministre autrichien s’emportait contre la pensée d’étendre à l’Égypte les innovations mal digérées du hatti-shériff de Gulhané.

« Si tout ne me trompe, la Porte devra abandonner dans la majeure partie de ses domaines le mode de perception nouvellement introduit dans plusieurs d’entre eux. En faisant percevoir l’impôt par ses propres receveurs, elle n’aura fait qu’augmenter les exactions pour ses sujets et les non-valeurs pour son trésor. L’abonnement fixe, fondé sur une loi tutélaire pour les contribuables, me semble le seul mode de perception possible dans l’empire ottoman. Les ineptes novateurs dans cet empire ont cru qu’il suffisait d’emprunter des formes et des noms à la civilisation chrétienne pour s’assurer les mêmes effets. Ils ne les obtiendront pas, et retomberont dans les usages d’un passé qu’ils auront contribué à détruire. »

Placée entre les empressemens tardifs de l’Autriche et les répugnances persistantes de l’Angleterre, la Porte, ne sachant à qui entendre, adressa une note à la conférence, priant les puissances de régler elles-mêmes les points qui étaient en litige. La réponse de la conférence est du 10 mai, et le hatti-shériff du 22 mai n’a fait que l’homologuer. Elle pose en principe : 1o  qu’Ibrahim succédera à Méhémet-Ali, et le plus âgé de la famille à Ibrahim ; 2o  que le tribut sera une somme fixe à payer tous les ans ; 3o  quant aux promotions militaires, le sultan pourra déléguer ses pouvoirs au gouverneur de l’Égypte, en les étendant ou les restreignant selon les cas. (« On pourra nommer en Égypte jusqu’au rang de colonel ; lorsqu’il s’agira d’un rang supérieur, on le demandera à la Porte, qui l’accordera gracieusement. » Memorandum de la Porte, 19 avril.)

En adressant le nouveau firman à lord Palmerston, l’ambassadeur anglais à Constantinople ne peut retenir une expression de dépit. Son ennemi personnel, le pacha d’Égypte, lui échappe blessé, mutilé, sanglant et dépouillé, il est vrai, mais encore vivant. « Je pense aujourd’hui comme toujours, écrit-il à lord Palmerston le 16 juin, que Méhémet-Ali n’exécutera jamais les mesures ordonnées par le sultan sur l’avis des quatre cours. »

  1. Dépêche de lord William Russel à lord Palmerston, Berlin, 14 avril 1841.
  2. Le prince Metternich au baron Stürmer, Vienne, 2 avril et 20 avril 1841.