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gouvernement qu’ils repoussent a peu de racines dans la nation, mais ils ne voient pas combien il est difficile de rallumer à si peu de distance la guerre civile dans un pays qui en est encore au premier bonheur d’en avoir fini avec elle. À peine engagés, tout leur manque à la fois. Ils essaient d’y suppléer par la résolution ; mais que peut le courage de quelques hommes, quelque brillant qu’il soit, contre le défaut de direction et le sentiment tardif de l’inopportunité ?

En Navarre, le brave et malheureux Montès de Oca reste quinze jours absolument seul, sans argent, sans munitions, sans nouvelles, sans secours d’aucun genre. Les jeunes gens des provinces se présentent ; on n’a point d’armes, on est forcé de les renvoyer chez eux pour attendre un nouveau signal. On a trouvé dans la citadelle de Pampelune quelques centaines de vieux fusils ; des ouvriers les raccommodent en toute hâte, mais ils ne peuvent suffire aux besoins ; trente fusils par jour, voilà tout ce que peut fournir cet atelier improvisé. À Madrid, les chefs dispersés ne s’entendent pas. Le jour fixé pour le mouvement passe sans qu’on ait pu se concerter. Un nouveau jour est choisi. La veille au soir, un des conjurés entend une décharge ; il s’imagine que c’est le signal et se rend à une caserne dont il soulève les soldats. De là il se porte sur le palais, qu’il attaque ; le bruit des coups de feu apprend aux autres généraux qu’il est engagé. Ceux-ci accourent sur les lieux, seuls avec leur épée, pour voir ce qui en est. Ils se mêlent aux combattans ; le palais est envahi ; la garde extérieure s’est déjà réunie à eux, quand dix-huit hallebardiers ferment une porte et se barricadent dans l’appartement de la reine. Les assaillans s’arrêtent alors, l’hésitation se met dans leurs rangs ; les chefs rentrent en eux-mêmes, et, voyant qu’ils se sont compromis sans but, ils sortent du palais et de la ville sans rien tenter de plus.

Que faisait cependant le régent du royaume ? Était-il au palais pendant qu’on attaquait le palais ? Non certes ; il s’était renfermé chez lui, laissant la reine Isabelle sous la garde de quelques hommes, les troupes sans chef et la ville sans police. Il passa dans l’inaction la nuit entière du 7 octobre, et, comme le disait naïvement un journal le lendemain de l’évènement, quand le général Espartero est arrivé sur les lieux à cinq heures du matin, tout était fini. Tout était fini aussi quand il parut en Navarre. Une lettre de M. Olozaga, qu’il n’avait pu ni prévoir ni inspirer, avait porté le découragement dans tous les esprits, en donnant à croire que la reine Christine désavouait ceux qui mouraient pour elle. Dans les provinces comme dans la capitale, le régent n’a eu qu’à triompher. Le vice radical du coup tenté contre lui était son caractère exclusivement militaire ; les moyens politiques proprement dits n’y entraient pour rien. Or, pour que de semblables surprises réussissent, il faut beaucoup d’ensemble, de précision et de discipline. Ces qualités ne sont pas familières aux Espagnols en général. Elles ont complètement manqué dans l’exécution du complot d’octobre. Isolée, l’attaque du palais n’avait aucun sens et ne pouvait mener à rien ; cette attaque ne devait être et n’était en effet qu’une portion du plan général ; on a vu par quel