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s’assurer que l’état peut se passer de cette branche de revenu. Ceci ne s’applique pas, il est vrai, à des impôts évidemment funestes et immoraux, tels que la loterie. Mais peut-on également applaudir au dégrèvement qui eut lieu sur l’impôt des boissons ? N’aurait-il pas mieux valu ne pas toucher à cet impôt, et procurer en même temps plus de moyens d’échange pour nos vins à l’étranger ? Il y aurait eu double profit. Nous avons, au contraire, appauvri le trésor et entravé le développement de notre commerce extérieur. Nous ne voulons certes pas en nier l’accroissement ; mais qu’est cet accroissement comparé à celui qu’on aurait obtenu par une législation moins illibérale, plus favorable aux échanges ?

Le bill des céréales a fait un nouveau pas dans le parlement, et toujours à l’aide d’une grande majorité. Décidément, le système du ministère l’emporte, et, dans la situation du pays, ce système nous paraît en effet une transaction équitable.

La presse s’est occupée, ces jours derniers, d’une loi que le gouvernement prussien préparait, dit-on, dans le but de régler l’état civil et politique des juifs. Si on en croit quelques feuilles allemandes, il ne s’agirait de rien moins que de dénationaliser complètement les juifs de toutes les provinces de la monarchie prussienne, de leur faire un état à part, de les organiser comme une bande de bohémiens ou de lazzaroni. À la vérité, les juifs ne vivent pas de rapines, d’aumônes, de filouteries. Cependant ils seraient, comme les lazzaroni et les zingari, des parias dans la société, des sujets du roi de Prusse qui ne seraient pas Prussiens, des hommes de la Palestine que le roi de Prusse tolérerait chez lui pour l’instruction religieuse de son peuple, afin qu’ils portent témoignage de la dispersion du peuple juif. Nous ne pouvons pas croire que ce projet soit sérieux. Le gouvernement prussien est trop éclairé et trop religieux pour penser que ses ordonnances soient nécessaires à l’Éternel dans l’accomplissement de ses décrets. Nous aurions plutôt été tentés de voir dans ce projet une application exagérée des principes de l’école historique, de cette école qui a répandu en Allemagne tant de lumières sur la science du droit. Mais nous avons également repoussé cette idée. Le chef illustre de l’école historique, l’homme aux travaux duquel elle doit principalement l’influence qu’elle exerce et la célébrité qui l’honore, est à Berlin, et occupe dans les conseils de la couronne la haute place que lui ont méritée ses rares talens et son noble caractère. Ce n’est pas à lui, à son influence, à ses conseils, que pourrait remonter l’étrange projet dont il a été question ces jours-ci.

Les États-Unis se trouvent toujours dans les plus graves embarras financiers. Comme dans toutes les confédérations, le trésor fédéral ne sait imaginer d’autres ressources que le produit des douanes. Ce système a peu d’inconvéniens dans un état comme la Suisse, où le pacte fédéral ne met que peu de dépenses à la charge du trésor commun. Ajoutez que la neutralité reconnue de la Suisse la dispense de tout armement permanent, et qu’elle n’a en réalité rien de sérieux à démêler avec ses voisins. Les États-Unis se trouvent dans