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SOUVENIRS DES AÇORES.

éternelles. À gauche s’avance la pointe de Saint-George, et l’on entrevoit le canal long et resserré qui sépare cette troisième île de l’île du Pic ; entre ces terres si rapprochées roulent, sous un ciel brillant, les vagues agitées de l’Océan Atlantique. Une navigation active anime cette rade magnifique. Fayal étant le seul point des Açores où les vaisseaux puissent jeter l’ancre sans danger, ils y accourent en grand nombre. Des baleiniers américains y viennent déposer leurs cargaisons, renouveler leurs agrès, et se procurer des vivres. Les bâtimens du Maragnon, que le vent force à faire ce long détour pour se rendre à Rio-Janeiro, relâchent à Horta, et des navires anglais chargent le vin du Pic, qui, à l’aide d’un peu d’eau-de-vie, passe pour du vin de Madère. Le mouvement du commerce influe sur les mœurs des habitans, et donne à la population d’Horta une physionomie européenne qui n’est celle d’aucune autre ville des Açores. Dans l’île fertile de Saint-Michel, où il n’existe pas de port, la noblesse territoriale domine sans partage. L’île de Fayal, au contraire, est peu féconde, et son commerce fort actif. Les négocians y jouent nécessairement le premier rôle, tandis qu’à Terceire, où le sol est ingrat et le rivage inhospitalier, on ne rencontre ni nobles fastueux, ni riches négocians, mais des hommes rudes, ignorans et difficiles à gouverner.

Les Portugais, à cause de leurs défauts et aussi de leurs qualités, ont toujours été peu propres aux affaires commerciales, et l’on doit s’attendre à trouver dans une place maritime aussi bien située qu’Horta une nombreuse colonie de négocians anglais. Ceux-ci vivent d’une façon beaucoup plus sociable que leurs compatriotes de Punta del Gada. Ils aiment à recevoir et à fêter les étrangers. Des rapports fréquens avec les officiers des bâtimens de guerre anglais leur ont donné l’habitude de la bonne compagnie, et plus encore le désir de paraître vrais gentlemen. Satisfaits d’une importance financière qui n’est pas contestée, ils la font peu sentir aux Portugais qui les entourent. Ces derniers, généralement fort pauvres, rabattent de leur fierté et se mêlent aux étrangers. Anglais, Brésiliens, citoyens des États-Unis d’Amérique et Portugais, tous vivent en parfaite intelligence et forment une petite société piquante par ses contrastes et agréable par la vivacité, l’entrain et le bon accord. Aucun Français n’a formé aux Açores d’établissement commercial, et nos agens consulaires eux-mêmes sont des négocians portugais. Cependant les gens instruits savent notre langue, et quelques jeunes filles balbutient des mots français avec leur accent lent et harmonieux. Là