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SAINT-ÉVREMOND.

Il y a des fortunes de renommée bizarres, des noms populaires auxquels il ne se rattache aucun souvenir, ou peu s’en faut ; des hommes célèbres à tout prendre, puisque tout le monde les connaît, mais dont personne ne connaît rien. À ceux-là, il semble que la postérité n’ait fait les honneurs d’une autre vie que pour la forme : elle a conservé l’étiquette, sans se soucier de ce qui était dessous. Ces réflexions me venaient l’autre jour en me rencontrant par hasard avec un de ces hommes dont il n’est resté que le nom. Je parcourais de l’œil les rayons d’une de ces respectables bibliothèques, vieux meubles de famille, où tant de livres oubliés dorment en paix sous leur reliure rouge, l’uniforme littéraire des deux derniers siècles, quand je tombai sur une rangée de douze petits volumes in dix-huit, intitulés : Œuvres de Saint-Évremond. Le faites-nous du Saint-Évremond m’avait toujours intrigué. Je fus curieux d’avoir enfin le mot de cette littérature de gentilhomme si chère à Barbin, près de laquelle le XVIIIe siècle avait passé en l’honorant, comme par grace, d’un regard distrait, et dont le nôtre ne s’occupait déjà plus. Il faut le dire, le goût un peu suspect du grand siècle en matière de petites productions, et l’admiration trop facile de la cour de Louis XIV, en extase devant les sonnets de M. de Benserade, m’avaient tenu jusqu’alors en garde contre la légitimité de cette vogue passagère. Derrière Saint-Évremond, il semble presque qu’on aperçoive Balzac et