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SAINT-ÉVREMOND.

M. de Monaco, qui me dit sérieusement, et avec un air de sincérité : — De bonne foi, monsieur, monsieur de Saint-Évremond, je regardois ailleurs. — Votre ami, M. de Saissac, rit beaucoup et ne décide rien. M. Courtin déclare que « la vexation est grande. » Mais toutes les déclarations de M. Courtin font peu d’effet. »

Miracle-d’Amour ne se contentait pas de tricher au jeu son vieil adorateur. Aussi leste avec ce grand esprit qu’elle l’était avec toute personne et toute chose, la belle Hortense trouvait je ne sais quel malin plaisir à se faire un jouet de son Saint-Évremond. Tantôt, en Dulcinée farouche, elle le renvoyait aux infortunes du chevalier de la Triste Figure ; tantôt, s’émancipant tout-à-fait, elle ne l’appelait plus que son vieux satyre. Lui, toujours égal et de bonne humeur, se prêtait avec sa douce gaieté aux fantaisies irrévérencieuses de l’enfant gâté, et remontait avec un aplomb spirituel sur le terrain glissant d’une galanterie surannée. « On porte envie, lui écrivait-il, aux injures que vous me dites ; il n’y a personne qui ne voulût être appelé sot, comme je le suis : cependant, madame, il y a des graces moins détournées, des graces plus naturelles, que je voudrois bien recevoir. Tout le monde est présentement dans mes intérêts : Mme Hyde vous tient quitte de l’assiduité que vous lui avez promise à ses couches, pourvu que vous vous portiez de bonne grace à m’obliger ; Mlle de Beverwert est prête à rendre des oracles en ma faveur. Il me semble que je la vois, les cheveux en désordre et les coëffes de côté, tout inspirée de son Dieu, vous dire impérieusement : Baisez le vieillard, reine, baisez-le. Que ferez-vous, madame ? Négligerez-vous les prières, les avertissemens, les oracles ?… S’il en est ainsi, madame, plus de sainteté, plus de sagesse, plus de reconnoissance, plus de justice. Adieu toutes les vertus. Vous serez comme une simple femme, comme une petite coquette, à qui une ride fait peur, et que des cheveux blancs peuvent effrayer. »

Le bruit de cette passion vint bientôt jusqu’en France, et le commentaire ne dut pas lui manquer ; néanmoins, comme derrière ces plaisanteries de part et d’autre se cachait un sentiment vrai, une affection réelle et solide, une de ces amitiés où la question de sexe entre, il est vrai, pour leur donner quelque chose de plus tendre, mais qui n’emploient les mots d’amour que comme un masque sans conséquence, il n’y eut que du respect à Paris ainsi qu’à Londres pour une liaison qui vengeait bien Mme de Mazarin des petits vers des beaux esprits et des indignations vertueuses de certaines gens. Ce fut elle qui retint Saint-Évremond en Angleterre quand vint la