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FRANÇOUNETTO.

Dès son arrivée, le maire mit à sa disposition une des salles du fameux Capitole de Toulouse, appelée le petit consistoire, où se sont souvent rassemblés les successeurs des sept poètes qui fondèrent, il y a cinq siècles, le corps des jeux floraux. C’est dans cette salle poétique que Jasmin fit une première lecture de son nouveau poème ; cette lecture ne dura pas moins d’une heure et demie, et il n’y eut pas un moment de fatigue ou d’ennui. L’auditoire, sans être encore très nombreux, était pourtant plus considérable qu’aux auditions du premier voyage. L’enthousiasme fut universel. Cet enivrement inexprimable que Jasmin sait produire gagna toutes les têtes. Bientôt toute la ville de Toulouse voulut entendre l’heureux poète. C’était le moment que Jasmin avait préparé par ces transitions habiles, car il ne soigne pas moins ses succès que ses ouvrages. On chercha une salle immense qui pût contenir tous les curieux, et on ne la trouva que dans la grande salle du musée. Une estrade fut élevée au milieu pour le poète, et, au jour fixé, quinze cents personnes se pressèrent dans l’enceinte, avides de voir et d’entendre Jasmin.

Tous les voyageurs qui ont passé par Toulouse, soit pour aller aux eaux des Pyrénées, soit pour toute autre cause, connaissent maintenant le musée de cette ville, le plus beau de province sans comparaison. La salle principale n’est autre chose que la nef de l’ancienne église d’un couvent d’augustins, transformée avec art par un architecte habile, pour recevoir et bien éclairer des tableaux. À cette salle si vaste touchent deux cloîtres, l’un petit et gracieux dans le goût élégant de la renaissance, l’autre très grand et magnifique, qui date du moyen-âge. Sous les ogives de ce dernier cloître, à l’ombre de ses fines colonnettes et des guirlandes de pampres qui couronnent leurs chapiteaux historiés, sont rangées de nombreuses statues d’évêques, de saints et de chevaliers, les unes debout, les autres couchées, toutes provenant d’églises ou d’abbayes détruites pendant la révolution, et rassemblées avec un soin intelligent. Il ne se peut rien imaginer de plus intéressant et de plus pittoresque. C’est dans ce local unique, au milieu de toutes ces ruines des temps passés, au pied des tableaux des maîtres, que Jasmin récita pour la seconde fois son poème, en présence de l’élite de cette ville, dont il avait tant désiré et tant redouté le jugement.

Jamais il n’avait été mieux inspiré. La grandeur extraordinaire du théâtre agissait sur son imagination méridionale et l’élevait au-dessus de lui-même. Le silence religieux de la foule n’était interrompu de momens en momens que par des frémissemens d’admiration. Les