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de rendre avec plus de fraîcheur les sensations d’une belle matinée, le réveil de jeunes prêtresses chantant l’aurore d’un jour glorieux qui se lève sur le temple. Le motif de cette introduction, l’un des plus heureux qui se trouvent dans l’ouvrage, reparaît quelques mesures plus loin, mêlé au récitatif de la grande vestale, et vous le retrouvez encore dans le chœur de triomphe sur ces paroles d’Emilia : Plauso al duce vincitore. C’est, du reste, la seule raison par laquelle se recommande ce chœur, qui débute par un appel de trompettes ex abrupto, véritable fanfare de bal masqué. En général, cette scène du triomphe a toujours assez mal inspiré les musiciens qui l’ont traitée. Si de la partition italienne nous venons à l’opéra français, nous trouvons au passage correspondant cette fameuse phrase :

Licinius de l’aigle altière
Ranime l’audace première, etc. ;

c’est-à-dire le chef-d’œuvre du mauvais goût et du trivial en musique. Heureusement pour Mercadante, l’idée lui est venue de ramener le motif de la prière des vestales, et cette émanation mélodieuse qui parfume l’acte tout entier sauve ce morceau. N’oublions pas de louer en passant le bel andante du finale, Madre di Roma dea paventata. — Le duo entre Decio et Publio, au second acte, ressemble à tous les duos de facture italienne, et ne se relève guère que par une certaine cabalette : O ma celeste Emilia ! dont le ténor, admirablement soutenu par le baryton, s’empare avec une hardiesse, une vaillance, un éclat, auxquels M. de Candia semble vouloir accoutumer de plus en plus son auditoire. La scène change, du forum nous entrons dans le sanctuaire où veille le feu sacré ; là se trouve une romance d’une expression admirable et profonde, une de ces rencontres qui vous émeuvent jusque dans l’ame, et qui s’évanouissent sans qu’on sache comment, sans vous laisser le temps d’ouvrir les yeux et de les applaudir. On ne saurait dire, en effet, tout ce qu’il y a de tristesse latente, de désespoir amer et contenu, de résignation douloureuse dans cette phrase que chante comme en passant une autre jeune vestale, Giunia, l’amie et la confidente d’Emilia, dans ce long soupir exhalé sous les voûtes du temple, près de l’autel de la déesse. On a parlé autrefois du caractère antique de l’œuvre du chevalier Spontini, mais jamais bien sérieusement, j’imagine ; le style de sa Vestale, si l’on excepte quelques beaux élans passionnés, se rapproche assez, pour le naturel du style, de nos poètes tragiques de l’empire, et je persiste à dire qu’il y a dans la romance de Giunia plus de simplicité antique, plus de véritable sentiment du sujet que dans toute la partition de l’académicien français de Berlin. La voix de Mme Albertazzi, un peu voilée et grave, convient à merveille à l’expression sourde et mystérieuse de ce morceau que la cantatrice chante du reste avec intelligence et goût. Vient ensuite un duo dramatique entre Emilia et Decio, où la Grisi et M. de Candia luttent ensemble de voix et de passion. Remarquons surtout, dans cette scène écrite de verve, le passage où l’agitato si entraînant du début