Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/952

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
942
REVUE DES DEUX MONDES.

de pénétration que l’esprit ait en son pouvoir, soit par la nature de la vérité où il veut atteindre, soit par celle des opinions ou des ignorances au travers desquelles il est réduit à s’ouvrir péniblement une issue.

J’aime à voir deux vérités à la fois. Toute bonne comparaison donne à l’esprit cet avantage.

La peine de la dispute en excède de bien loin l’utilité. Toute contestation rend l’esprit sourd, et, quand on est sourd, je suis muet.

Les tournures propres à la confidence me sont familières, mais non pas celles qui sont propres à la familiarité.

Ce n’est pas ma phrase que je polis, mais mon idée.

Je m’arrête jusqu’à ce que la goutte de lumière dont j’ai besoin soit formée et tombe de ma plume.

Je voudrais faire passer le sens exquis dans le sens commun, ou rendre commun le sens exquis.

Je n’appelle pas raison cette raison brutale qui écrase de son poids ce qui est saint et ce qui est sacré ; cette raison maligne qui se réjouit des erreurs, quand elle peut les découvrir ; cette raison insensible et dédaigneuse qui insulte à la crédulité.

Je ne veux ni d’un esprit sans lumière, ni d’un esprit sans bandeau. Il faut savoir bravement s’aveugler pour le bonheur de la vie.

Mon nid sera d’oiseau, car mes pensées et mes paroles ont des ailes.

Que ne puis-je décrier et bannir du langage des hommes, comme une monnaie altérée, les mots dont ils abusent et qui les trompent !

Quand je ramasse des coquillages et que j’y trouve des perles, j’extrais les perles et je jette les coquillages.

Je voudrais monnayer la sagesse, c’est-à-dire la frapper en maximes, en proverbes, en sentences faciles à retenir et à transmettre.


DE LA NATURE DES ESPRITS.

C’est la nature des esprits, c’est leur lumière naturelle, et non pas leur degré de force, variable comme la santé, qui fait leur véritable prix, leur qualité, leur excellence.

On mesure les esprits par leur stature ; il vaudrait mieux les estimer par leur beauté.

Les esprits sont semblables aux champs : dans quelques-uns, ce qui vaut le mieux, c’est la superficie ; dans quelques autres, c’est le fond, à une grande profondeur.