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LES ANGLAIS DANS LE CABOUL.

d’un barbare, et sa mort donnait le signal de cette extermination de treize mille hommes dont l’Angleterre frémit encore.

L’ouvrage de Burnes comprend principalement la partie géographique et la partie anecdotique de son voyage ; les dépêches politiques qu’il adressait au gouvernement de l’Inde ont été communiquées au parlement et publiées en 1839. Burnes partit de Bombay le 26 novembre 1836. Il avait pour compagnons de son expédition le lieutenant Leech, qu’il chargea d’observer l’état militaire du pays ; le lieutenant Wood, auquel il confia la mission d’explorer le cours de l’Indus, et le docteur Lord, qui fut chargé des observations d’histoire naturelle et de géologie, et qui fut depuis tué le 2 novembre 1840 à la bataille de Purwan-Durrah. Burnes aborda dans le Sindy le 13 décembre. Les temps étaient bien changés depuis son premier voyage en 1831. Il n’était plus l’aventurier obscur, perdu, sans secours et sans défense, au milieu de populations ennemies, cherchant et remontant péniblement les bouches inconnues de l’Indus. Il rentrait dans des terres où il avait laissé des souvenirs, il rencontrait sur sa route des traditions anglaises et des noms anglais ; dans un lieu de pèlerinage mahométan, il trouvait sur un mur le nom de Henry Ellis, qui avait été depuis ambassadeur à Téhéran, il revoyait des enfans qui étaient devenus de jeunes hommes, et qui lui souhaitaient la bien-venue en déposant à ses pieds des gerbes de blé ; à Tatta, les habitans venaient au-devant de lui, en criant : « Venez peupler ce désert ! il fleurira sous les Anglais. — Ils semblaient tout disposés, dit Burnes, à nous prendre pour maîtres ; du reste, leurs désirs ont été promptement exaucés, car le Sindy est devenu (en 1839) un des états tributaires de notre puissant empire de l’Inde. »

La mission anglaise arriva à Hyderabad, la capitale du Sindy, le 18 janvier 1837. Burnes fut présenté le lendemain aux émirs, et leur remit les lettres de créance de lord Auckland, le gouverneur de l’Inde. Noor-Mohammed, le principal émir, le reçut fort bien. « Mon père, dit-il, a planté l’arbre d’amitié entre nos états. — Oui, seigneur, dit l’Anglais, et votre altesse l’a arrosé. — Il est devenu un grand arbre, reprit l’émir. — C’est vrai, seigneur, dit Burnes, et le fruit est maintenant visible. » Burnes avait appris le langage figuré de l’Orient, et il s’en servait avec aisance. « Quand je vous ai connu autrefois, lui disait un jour l’émir, vous n’aviez pas même de barbe. — C’est vrai, dit Burnes ; mais maintenant j’en ai une qui couvre mon menton de noir, en signe de deuil de ma jeunesse perdue. » Chose remarquable, et qui montre comme ces Anglais, une fois possédés par une