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REVUE. — CHRONIQUE.

avait plus ni unité, ni force, et la faute n’en était pas à la chambre. On doit au contraire s’étonner de tout ce qu’elle a fait d’utile et de sensé, et reconnaître comme une marque honorable des progrès de notre temps cet accord de tant d’intelligences et de volontés isolées pour toutes les mesures que réclamaient la stabilité de nos institutions et la marche régulière de notre administration.

La chambre nouvelle n’aura pas les mêmes origines ; il n’est plus aujourd’hui de coalition proprement dite. Chacun garde son rang, chacun garde son drapeau. La question est nettement posée entre la gauche et les conservateurs, entre l’opposition et le gouvernement. Sans doute la gauche cherchera des auxiliaires et en trouvera peut-être dans les rangs qui l’avoisinent ; mais la direction suprême de l’armée anti-ministérielle lui appartient : c’est en son nom, c’est au nom de ses doctrines, que le combat va être livré. La gauche ne jouant pas cette fois le rôle quelque peu secondaire qu’elle joua du temps de la coalition, c’est à M. Odilon Barrot que revient l’honneur du commandement en chef.

Cette situation franche et nette ne laisse pas, il est vrai, que d’avoir ses inconvéniens et de présenter de graves difficultés. En suivant le drapeau de la gauche, les hommes intermédiaires s’engagent peut-être au-delà de leurs pensées, de leurs vœux, de leurs projets ; ils prennent une position trop avancée dans ce moment, embarrassante pour l’avenir. La gauche aime les positions nettes et franchement dessinées ; à ne songer qu’à ses intérêts et à sa dignité, elle a toute raison. D’un autre côté, le parti gouvernemental crie à tue-tête que quiconque n’est pas avec lui est contre lui, que l’opposition du centre gauche ne se distingue guère de l’extrême gauche, qu’elle aussi veut perpétuer la révolution, gouverner au bruit de la Marseillaise, déchirer les traités de 1815, défier l’Europe entière et recommencer la grande guerre. Bref, les conservateurs aussi aspirent à se fortifier en se purifiant. Entre ces deux opinions tranchées qui tiendront aux électeurs un langage net et clair, ce gros langage qui seul est promptement saisi et parfaitement compris des masses, que feront les opinions intermédiaires avec leurs nuances, leurs réticences, leurs distinctions, leurs réserves ?

Nous n’avons pas de conseils à donner, mais nous avons le droit d’exprimer un vœu, et ce vœu, nous l’exprimons plus encore dans l’intérêt du pays que dans l’intérêt des personnes. Nous désirons vivement que chacun reste scrupuleusement dans le vrai, qu’il ne modifie ni par la parole ni par un silence éloquent sa position, ses principes, sa pensée, uniquement en vue de quelques succès électoraux. Toute considération morale à part, c’est là se préparer de graves difficultés pour peu de chose. Il y a au fond plus de sérieux dans le cœur humain et dans les sentimens du public qu’on ne le pense, et se montrer ce qu’on est réellement n’est pas seulement chose honnête, c’est de l’habileté.

Cette remarque s’applique à tout le monde. Ajoutons cependant qu’au point