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de vue de la politique, nous n’attachons aucun prix à tout ce qu’on a dit des transformations, vraies ou supposées, sincères ou simulées, d’une partie de l’extrême droite. Que ces faits existent ou n’existent pas, peu nous importent ces discussions et ces querelles. Qui ne sait que c’est là un parti qui finira par se rallier au gouvernement, et grossir les rangs des conservateurs ? Qu’importe au pays qu’il y entre un an plus tôt ou un an plus tard ? qu’il y entre la tête haute et par gros détachemens, ou qu’il s’y glisse adroitement et homme à homme ? Évidemment, nul ne peut condamner les légitimistes à devenir de gaieté de cœur les parias de notre société politique. Leurs rêves se dissipent tous les jours. Ils savent bien qu’ils n’ont pas de force propre, et que l’Europe ne pense pas plus à eux qu’elle ne pense à quelques jacobites qu’on trouverait peut-être encore dans quelque coin de l’Angleterre. Ils comptaient avant tout, il faut le dire, sur les folies de la révolution de juillet ; loin d’invoquer l’étranger, ils espéraient voir le monstre se dévorer lui-même, et la France les appeler au secours. On ne peut compter sur rien aujourd’hui, pas même sur les folies des révolutionnaires. La révolution de 1830 a été d’une sagesse désespérante ; la France est tranquille ; la France est prospère, et, loin de rappeler la vieille dynastie, à peine se souvient-t-elle de l’avoir expulsée. En attendant, quelque respectables que soient les scrupules des vieux serviteurs de la branche aînée, une nouvelle génération s’avance, jeune, riche, formée d’hommes doués tous de quelque instruction et plusieurs d’une instruction approfondie. Que peut-elle devenir ? Doit-elle borner son activité à la chasse et aux courses de chevaux ? Doit-elle accoutumer le pays à un complet oubli de ses noms historiques dans la haute administration et dans l’armée ? Non ; ce serait là un suicide à la fois si coupable et si ridicule, qu’on ne peut pas craindre sérieusement de le voir s’accomplir. Mais encore une fois, que leur adhésion au vœu national soit ou non prochaine, qu’elle soit directe ou indirecte, peu importe au pays : la révolution de juillet les accueillera sans doute dans ses rangs ; mais ils sont seuls intéressés à un prompt retour. S’ils simulaient dans les colléges électoraux des sentimens qu’ils n’auraient pas, s’ils demandaient appui au gouvernement sans en reconnaître la légitimité, on aurait certes le droit de déverser sur eux le blâme le plus sévère. Si, au contraire, ils se rallient sincèrement à la cause du pays, à la révolution de juillet, s’ils en acceptent de cœur et d’ame la dynastie, les institutions, les lois, nul n’a le droit de les blâmer. Des Français qui rentrent au bercail, qui mettent fin à une opposition illégitime, qui ne déchirent plus le sein de la patrie par de tristes divisions, ne mentent point à leur conscience, ils ne violent pas leur serment ; ils remplissent un devoir sacré, comme les Français qui abandonnaient la ligue et sa fausse légitimité pour se rallier au trône d’Henri IV.

Ceux qui se prépareraient des embarras ne seraient pas les légitimistes qui, en se ralliant, feraient ce que la religion, la morale et les lois leur commandent de faire, mais ceux qui, dans la lutte électorale, contracteraient des