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LE SALON.

entre lesquelles s’enfonce la tête, lui donne un air d’impatience et d’ennui plutôt que de souffrance résignée. Dans son ensemble, cette figure est, dans les formes et l’expression, d’une délicatesse un peu enfantine et féminine. Poussin ne voulait pas qu’on se figurât le Christ comme un père Douillet ; bien moins encore eût-il approuvé qu’on en fît une femmelette. L’exécution ne manque ni de hardiesse ni de vigueur ; la lumière est distribuée avec habileté ; la couleur pourrait avoir plus de variété et d’éclat.

Le portrait historique de Templier, par le même artiste, ne pourra guère lui être pardonné qu’en considération de sa Mariuccia. Il y a aussi une Chiaruccia de M. Adolphe Lehmann. Les originaux sont de la même famille, les peintures également.

Le Saint Louis de M. Hippolyte Flandrin n’ajoute ni n’ôte rien à ce que ses précédens ouvrages nous avaient appris. C’est un de ces talens établis dont il n’y a certainement rien à craindre, et probablement peu à espérer. Tout, dans cette peinture, est si irréprochablement conçu, arrangé, étudié, travaillé et exécuté, qu’on éprouve quelque remords à ne pas s’y plaire. Le saint Louis est d’une vérité historique parfaite, quoique un peu bonhomme pourtant. Les quatre figures qui l’entourent sont gravement, simplement et noblement posées. Le sire de Joinville, appuyé sur le pommeau de sa longue épée, a un faux air du saint Paul de la Sainte Cécile, réminiscence déplacée si elle était volontaire. Le personnage debout et à capuchon, probablement l’abbé de Saint-Denis, est un peu mélodramatique. Il écoute et regarde en conspirateur ; c’est un contre-sens. La correction continue du dessin, l’étude soignée du modelé inséparable de la correction, la sobriété et le calme de la couleur qui se cache pour faire valoir uniquement le caractère, la forme et la pensée, sont certes de belles et rares qualités. M. Flandrin les possède, mais elles sont chez lui pour ainsi dire à l’état abstrait et latent. Il leur manque la vie, l’action, le mouvement, la saillie. On a dit quelque part, dans le sens matériel, qu’il y avait sur ce tableau une sorte de voile nuageux ; il y a aussi, au sens spirituel, un nuage, et ce nuage, c’est l’ennui.

C’est aussi l’ennui qui est le plus mortel ennemi de la peinture d’un autre disciple de la même école, M. Émile Signol. À Dieu ne plaise pourtant que nous veuillons établir un parallèle entre deux talens si inégaux et si différens ! La peinture de M. H. Flandrin est celle d’un homme de goût, de sens, d’habileté, de science et d’intelligence. Que dire de celle de M. Signol ? Il n’y a que l’hélas ! de