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REVUE — CHRONIQUE;

nous l’avons dit, la seule qui fût restée en la possession de l’ancienne famille royale, avant que les Anglais eussent rétabli sur le trône de Caboul un des fils de Timour, shah Soudja.

Timour laissa quatre fils, du moins l’histoire n’en connaît pas d’autres ; ce qui ne prouve rien, car le chef de Peschawer, quand Burnes passa par sa cour, avait eu déjà soixante enfans, et il ne put jamais dire au voyageur anglais le nombre exact de ceux qui vivaient encore. Les descendans connus de Timour étaient Zehman, Mahmoud, Eyoub et Soudja. De ces quatre frères, le premier, Zehman-Shah, détrôné et aveuglé par son frère Mahmoud, est retiré à Loudiana, où il vit d’une pension du gouvernement anglais. Il est devenu, dit Burnes, extrêmement dévot, et passe tout son temps à écouter la lecture du Coran. Mahmoud, après avoir régné quelques années, détrôné par la famille des Barukzis, est mort en 1829, à Hérat, qu’il a laissé à son fils Kamram. Eyoub, qui lui avait succédé un instant, s’est réfugié, pendant les guerres civiles, à la cour de Lahore, et a depuis complètement disparu de la scène. Nous retrouverons trop souvent le nom du quatrième fils de Timour, shah Soudja, pour qu’il soit nécessaire de le rappeler ici.

Les Afghans sont constitués féodalement, et partagés en tribus qui ressemblent beaucoup aux anciens clans d’Écosse. Deux grandes tribus apparaissent au premier rang dans les guerres civiles de l’Afghanistan, celle des Douranis, et celle des Barukzis. La famille royale des Sudozis ou des descendans d’Ahmed-Shah est de la tribu des Douranis ; Dost-Mohammed, auquel les Anglais ont enlevé le trône de Caboul, est de la tribu des Barukzis. Burnes dit que la tribu des Sudozis était peu nombreuse, et qu’elle ne maintenait sa domination qu’avec l’aide de tribus alliées. Le chef des Barukzis, Haji-Djamal, avait beaucoup contribué à fonder la monarchie d’Ahmed-Shah. Cette maison puissante était composée d’environ 60,000 familles, et pouvait mettre sur pied 30,000 cavaliers[1].

L’histoire des Barukzis a des momens héroïques. La révolution dynastique qui leur livra les débris de la monarchie afghane a des traits frappans de ressemblance avec des passages de nos propres annales. C’est, dans de moindres proportions, l’histoire de la chute des Mérovingiens et de l’avénement des Carlovingiens. Les fils de Timour représentent très exactement les rois fainéans ; ils règnent et ne gouvernent pas ; ils s’endorment dans leur palais et laissent toute l’autorité aux mains des vizirs Barukzis. Pendant long-temps, les Barukzis « ont fait des rois et n’ont pas voulu l’être ; » ils rappelaient tour à tour de l’exil les princes Sudozis, les mettaient sur un trône purement allégorique, et les renversaient avec la même facilité qu’ils les avaient élevés.

L’homme illustre des Barukzis, celui qui fait la plus grande figure dans leur histoire, c’est Feth-Khan, qui avait embrassé la cause de Mahmoud contre ses trois frères. Il était petit-fils de Hadji-Djamal, qui avait aidé Ahmed à fonder la monarchie des Douranis. Ce fut lui qui battit en 1809 shah Soudja, et renversa du trône ce prince destiné à de si étranges vicissitudes.

  1. Burnes, Travels in to Bockara, t. III, l. ii.