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REVUE — CHRONIQUE.

struire. Il questionna beaucoup son hôte anglais sur la situation et la politique des différens états de l’Europe, et sur les rapports qui existaient entre eux. L’écho des canons de l’empire et le grand nom de Napoléon étaient parvenus jusque dans ces contrées reculées ; le chef de Caboul avait entendu parler de l’empereur. Burnes dit qu’il voulut savoir si les Anglais avaient quelques projets sur Caboul, et qu’il refusa de croire que leur intention fût d’épargner son pays. L’Anglais revint très frappé de ce qu’il avait vu. « Le chef de Caboul, disait-il, peut établir sa domination sur tout le pays après la mort de Runjet-Singh. Il est favorablement disposé pour les Anglais, comme le sont, du reste, presque tous les chefs afghans. Il ne faudrait pas beaucoup d’argent pour nous concilier ce chef, qui est en possession de la plus importante position de l’Asie, en ce qui concerne la sûreté de l’Inde anglaise. Si les circonstances nous avaient donné un allié dans le Caboul au lieu de la Perse, nous aurions un ami plus sûr et plus proche que celui que nous pouvons nous vanter d’avoir dans cet autre pays. »

Cependant, les jugemens de Burnes étaient contredits par d’autres. Le capitaine Wade prétendait que le Caboul était le pays des Afghans le plus fréquemment livré aux factions et aux révolutions, que la puissance de Dost-Mohammed n’était rien moins que solide, que « même après son grand succès contre les Seiks, qui lui avaient gagné de la popularité, l’arrivée de la mission anglaise l’avait seule sauvé de la ligue formée par ses frères avec ses propres sujets, et que son désir de conclure une alliance étrangère venait surtout de sa crainte des ennemis intérieurs[1]. »

Burnes écrivait de Caboul au gouvernement de l’Inde, le 24 septembre 1837[2] : « D’après ce que j’ai vu et entendu, j’ai de bonnes raisons de croire que Dost-Mobammed ne mettra pas en avant des propositions extravagantes, et qu’il agira de manière à ce que le gouvernement anglais puisse lui montrer de l’intérêt, et en même temps conserver toutes ses bonnes relations avec le chef des Seiks. »

Mais le capitaine Wade, de son côté, écrivait de Loudiana[3] : « Mes propres sources d’information, dont l’exactitude a été confirmée à plusieurs reprises par les indigènes comme par les Européens qui ont visité Caboul, me permettent d’assurer que l’autorité de l’émir n’est rien moins que populaire parmi ses sujets ; la plus grande partie de ses troupes n’a ni obéissance ni affection pour lui. » Disant ensuite que les Barukzis n’avaient pas encore pu se concilier la population, il ajoutait : « Je soumets mon opinion en toute déférence au jugement de sa seigneurie, mais il me semble que l’on ferait beaucoup moins de violence aux préjugés de ce peuple, et à la sécurité de nos relations avec les autres puissances, en facilitant la restauration de shah Soudja, qu’en forçant les Afghans à se soumettre à la souveraineté de l’émir, ce qui non-seulement serait fort difficile en soi, mais, en nécessitant la mé-

  1. Parliamentary papers, letter 1 january 1838.
  2. Parliamentary papers.
  3. Ibid.