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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

Nous irons guérir les playes
Qu’il nous fit dedans le flanc,
Lorsqu’au bord de cet étang
Nous dansions en ces saulayes[1].

Je n’aurais qu’à ouvrir les recueils poétiques de Jean Passerat et de Nicolas Rapin pour y ramasser à plaisir de nouveaux exemples. Gilles Durant, surtout, foisonne en cas raffinés : Amour pris au las, Amour jouant aux échecs ; Jean Dorat, dans ses imitations grecques, avait déjà fait, d’un goût tout pareil, Amour se soleillant[2]. Mais j’aime mieux citer de Durant quelques stances, où un ton de sentiment rachète la manière :

Serein je voudrois être, et sous un vert plumage,
Çà et là voletant,
Solitaire, passer mes ans dans ce bocage,
Ma sereine chantant.

Oiseau, je volerois à toute heure autour d’elle ;
Puis sur ses beaux cheveux
J’arrêterois mon vol, et brûlerois mon aile
Aux rayons de ses yeux.

Et après avoir continué quelque temps, et avec vivacité, sur ce genre d’ébats :

Parfois époinçonné d’une plus belle envie,
Je voudrois becqueter
Sur ses lèvres le miel et la douce ambroisie
Dont se paît Jupiter.

Sous mon plumage vert, à ces beaux exercices
Je passerois le jour,
Tout confit en douceurs, tout confit en délices,
Tout confit en amour.

Puis, le soir arrivé, je ferois ma retraite
Dans ce bois entassé,
Racontant à la Nuit, mère d’amour secrète,
Tout le plaisir passé.

  1. Au troisième livre des Odes d’Olivier de Magny (1559).
  2. Aux Grands-Jours de Poitiers de l’an 1579, à propos de cette puce célèbre qu’Étienne Pasquier aperçut et dénonça sur le sein de Mlle Des Roches, on ne manqua pas de chanter l’Amour puce, et l’avocat Claude Binet, parodiant l’Amour piqué par une abeille, imagina de le faire piquer par cette puce.