Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
REVUE DES DEUX MONDES.

Ce rationalisme national devait provoquer une réaction ; cette inanité de la révélation chinoise appelait les croyances étrangères, et, chose curieuse, la Chine a passé à la doctrine la plus audacieusement insensée, à celle qui a pour les choses visibles le plus universel mépris, et accuse sans pitié de néant cette terre qui faisait oublier aux Chinois tous les autres soins. La Chine a accueilli depuis longtemps le bouddhisme, et l’état est cependant demeuré fondé sur les anciens principes de la politique de Confucius. Ce fait est d’autant plus remarquable, qu’il y a entre les deux doctrines la plus complète opposition. L’une n’est guère qu’un système d’économie politique, l’autre conduit à délaisser la société pour la contemplation ; l’une fait de la vie de famille le principe de la vie publique, la piété filiale est pour elle le premier devoir ; l’autre prêche le célibat, la vie du cloître. Évidemment une scission pareille a dû porter un coup funeste à l’empire chinois. On comprend à peine qu’il y résiste depuis si long temps. L’indifférence l’a préservé des dissensions violentes, qui ne sont guère à craindre, il faut l’avouer, pour qui peut dire : « Quoique les religions des lettrés, des bouddhistes et des tao-ssé différent entre elles, cependant leurs principes tendent également à rendre l’homme vertueux. » Chose étrange que cette liberté de conscience et cette indifférence religieuse dans un empire oriental !

La Chine et l’Inde, malgré tous leurs contrastes, ont cependant en commun l’isolement et le repos. Il faut entrer dans l’Asie occidentale pour assister à la rencontre sanglante des peuples, à ce mouvement inquiet, à cette agitation tumultueuse, qui n’ont plus de fin une fois qu’ils ont commencé. Le premier peuple qu’on y trouve est celui des Perses. Leurs ancêtres et ceux des Hindous ont sans doute longtemps conduit leurs troupeaux dans des pâturages voisins ; leurs langues offrent les plus grands rapports, leurs cultes sont pareils, les noms des divinités sont les mêmes. Toutefois, tandis que les patriarches hindous descendirent dans des vallées heureuses, dans des plaines opulentes, jusqu’aux rivages de l’Océan, les Perses demeurèrent sur les hauteurs, et eurent pour patrie un plateau où la terre est âpre, mais où le ciel, dans ses limpides profondeurs, dans son immense azur, resplendit de la plus sereine beauté, où les jours ont le plus radieux des soleils et les nuits même de magnifiques clartés. L’élévation, la sécheresse et la latitude méridionale de cette contrée se réunissent pour faire d’elle, entre tous les pays du monde, par ce concours unique de circonstances, le royaume de la lumière. Les Perses devaient donc retenir le culte primitif : cependant ils ne saluent