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l’histoire était plutôt excusée par l’état de la science que justifiée par la nature des choses ; elle n’a jamais eu de sens précis ; elle a introduit des idées fausses, et il est temps de l’abandonner.

M. Quinet avance plusieurs opinions qu’on pourrait également contester. Il croit que les hommes à l’époque patriarcale ont eu partout pour premier culte celui de la lumière naissante du jour. Le Rig-Véda qu’il cite le prouverait difficilement, et, quand il nomme Apollon pour montrer qu’il en a été ainsi en Grèce comme ailleurs, il est trop aisé de lui répondre qu’Apollon n’est pas un ancien dieu, qu’il a été précédé de deux dynasties célestes, et qu’il appartient à l’âge héroïque. M. Quinet pense que la seconde révélation s’est faite par l’Océan. C’est encore une conjecture. L’âge relatif des religions, tel qu’il le donne, n’a pas non plus de certitude. Il fait dériver l’Égypte de l’Inde ; mais ni la langue, ni la race, ni les croyances, ni aucune tradition authentique, ne confirment cette origine. La civilisation égyptienne est essentiellement autochthone, et c’est la vallée du Nil qui cache toutes ses sources. Je ne dis rien des fréquentes analogies qu’il établit entre les dieux des diverses religions. Je passe au judaïsme. M. Quinet croit que Jéhovah s’est révélé par le désert. Cette idée ne rend pas compte de tous les faits. Je ne vois point d’abord, comme cela devrait être, que Jéhovah ait eu besoin du désert pour se révéler : il s’est manifesté partout ailleurs. Avant d’y conduire les Hébreux et d’apparaître sur le Sinaï, il se montra aux patriarches dans toutes les terres de leurs pèlerinages, à Moïse pendant la captivité d’Égypte, et plus tard, après les quarante années, aux juges, aux rois, aux prophètes, aux sacrificateurs, non-seulement dans la solitude, mais dans les villes, sur la terre de Baal et d’Astarté, et sous les saules des fleuves de Babylone aussi bien que sur les bords du Jourdain. Comme il ne relève pas de la nature, le lieu de ses entretiens avec l’homme semble lui être indifférent, tandis que Brahma apparaît sur l’océan de l’Inde, Ormuzd dans le ciel de la Perse, Osiris sur la barque sacrée du Nil, Jupiter sur les sommets olympiens, et qu’ils n’auraient pas pu avoir une autre patrie. D’ailleurs les vides et monotones étendues du désert, son immuable immensité, ses solitudes embrasées, annoncent un dieu unique et spirituel sans doute, mais abstrait aussi, solitaire, éternellement immobile sur son trône inaccessible, dieu du déisme et de la fatalité qui règne de loin sur ces espaces dépouillés et sur leur triste silence. Le dieu de Moïse est bien différent. Il ne s’isole point du monde, il n’est pas relégué par-delà les bornes de l’univers,