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LE SALON.

en Provence), d’une grande vérité locale et tout-à-fait agreste ; M. Chevandier, dont le Ruisseau dans la campagne de Rome nous rappelle avec succès la manière de M. Marilhat, mais pas assez cependant pour nous consoler de l’absence de ce paysagiste éminent. Même remarque pour les deux paysages de M. Menn. Privés que nous sommes aussi de M. Paul Flandrin, nous devons prendre comme indemnité la Vue de la grotte de la nymphe Égérie de M. Desgoffes, qui suit d’assez près ses traces. Nous avons cherché en vain pour M. Cabat et M. Jules Dupré des substituts acceptables.

Les yeux du public sont si familiarisés avec la manière de quelques exposans infatigables, et la critique a eu si souvent occasion d’en parler, qu’elle ne trouve plus guère à dire sur leur compte. Tels sont MM. Lapito, Jolivard, Coignet, Ricois, Mme Empis et M. Giroux. Ce dernier faiblit notablement.

M. Hostein, quoique aussi connu que les précédens, s’est distingué cette année par le nombre de ses productions et par le mérite de quelques-unes. Sa Rivière ombragée d’arbres (no 966) est un des morceaux capitaux de l’œuvre déjà si considérable de cet artiste, et un des plus remarquables paysages du salon. Les Baigneuses de M. Troyon offrent l’exagération des qualités de ce peintre, l’abus de la force ; les tons noirs y dominent, et, manquant de transparence, sur plusieurs points ils font presque tache. Il y a du caractère cependant dans le dessin de ces grands arbres séculaires.

Réservons une mention plus spéciale pour trois ou quatre toiles. Et d’abord les deux paysages avec animaux de M. Brascassat. Sauf un peu de mollesse dans la manière de traiter les terrains, et je ne sais quelle pâleur fade du ton général qui tournerait volontiers au faux, ces deux morceaux sont dignes des précédens. Ils ont cependant le tort de leur ressembler beaucoup sous le rapport de la composition. Le taureau et la vache du grand salon ne diffèrent pas assez de taille et d’anatomie pour être facilement distingués. En outre ils ont l’un et l’autre la même valeur de ton, quoique placés sur des plans différens. La réunion de quatre jambes placées comme des pieux sur la même ligne, à égale distance, et, par une faute de perspective, en apparence sur le même plan, n’est pas heureuse. Nous remarquons les défauts, les qualités étant plus connues.

Il y a à signaler un début brillant, celui de M. Théophile Blanchard, un des derniers lauréats de l’École des Beaux-Arts. Son Intérieur de forêt (grand salon) offre de belles masses d’arbres ingénieusement agencées et variées avec beaucoup d’imagination. La lumière