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HISTOIRE LITTÉRAIRE.

seste, c’est une épargne fort louable ; mais je cherche ce qui a pu mériter ainsi d’être effacé, à moins que ce ne fût quelqu’une de vos formules, car je ne puis croire que vous grattiez vos lettres pour me faire vos réponses sur le même papier. Voudriez-vous me faire entendre que vos affaires n’avancent pas, qu’on vous oublie, que le papier même vous manque ? »

Du temps de Cicéron, le papier, fait de papyrus, dont on se servait habituellement, était fort commun : plus tard, il devint de plus en plus rare, ainsi que le parchemin, et ce fut là ce qui porta les moines à gratter et à laver les manuscrits pour écrire de nouveau sur les mêmes pages. Un des plus curieux exemples de cette pénurie a été découvert par M. Champollion-Figeac, qui, dans une bulle sur papyrus adressée en 876 à Charles-le-Chauve par Jean VIII, a trouvé le haut couvert encore de caractères arabes. Le pape, ne sachant sur quoi écrire, avait lavé un papyrus déjà employé par les plus cruels ennemis du christianisme, et s’en était servi pour sa lettre à l’empereur. Long-temps négligés, ces palimpsestes n’ont été étudiés avec soin que dans ces dernières années, et l’on sait combien d’utiles et précieuses découvertes y a pu faire le cardinal Mai. La France possède un nombre considérable de manuscrits grattés, et il y a lieu d’espérer qu’ils pourront servir à recouvrer quelques restes encore inconnus de l’antiquité.

Livrés d’abord à l’animosité des chrétiens et aux dévastations des barbares, attaqués bientôt par le grattoir et l’éponge des moines, relégués plus tard dans des endroits humides, les anciens manuscrits durent périr presque tous. Nous le répétons, ce qui étonne, ce n’est pas qu’on en ait tant perdu, mais qu’au contraire plusieurs aient échappé à la destruction. Il n’est pas facile de savoir par quelles mains ils ont été préservés. Cependant, en étudiant avec soin l’histoire des siècles barbares, on voit qu’à côté des bibliothèques des couvens il y avait d’autres bibliothèques qui sont à peine indiquées, mais dont l’existence est certaine. Sans s’arrêter à la bibliothèque de ce Loup, professeur à Agen et à Périgueux, que cite Sidoine Apollinaire, ni aux manuscrits que, d’après le même écrivain, possédaient Philagre et Térence Ferreol, on trouve en France, au VIIIe siècle, les différentes bibliothèques de Charlemagne, qui en avait une au palais, dont Louis-le-Débonnaire et Charles-le-Chauve héritèrent successivement, et Éginhart nous apprend que les manuscrits qui étaient à Aix-la-Chapelle furent, d’après le testament de l’empereur, vendus au profit des pauvres. À la même époque,