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des portraits de grands seigneurs, de grandes dames ou de hauts personnages peints dans le pays, qui ne sont pas sortis de la famille, et dont la filiation est parfaitement connue. Ceci soit dit sans affliger personne ; que ceux qui s’imaginent posséder un Raphaël ou un Titien, et qui en réalité n’ont autre chose que sept ou huit couches de vernis dans un riche cadre, n’en soient pas moins heureux pour cela. Il n’y a que la foi qui sauve.

Au milieu de la place de Trafalgar, l’on est en train d’élever un monument à la mémoire de Nelson. En attendant, sur l’enceinte de planches qui entoure l’espace qu’occuperont les constructions, se prélassent des placards gigantesques, des affiches monstres avec des lettres de six pieds de haut des formes les plus bizarres ; c’est là que se placardent les phénomènes, les exhibitions extraordinaires et les représentations théâtrales.

Les Anglais abusent, en vérité, de Waterloo et de Trafalgar. Je sais bien que nous ne sommes pas non plus exempts de cette manie d’affubler nos rues et nos ponts du nom de nos victoires, mais au moins notre répertoire est un peu plus varié.

Regent-Street, qui a des arcades comme la rue de Rivoli, Piccadilly, Pall-Mall, Hay-Market, l’Opéra italien, qu’on ne saurait mieux comparer qu’à l’Odéon de Paris, Carlton-Palace et Saint-James’s-Parck, le palais de la reine avec son arc de triomphe imité de celui du Carrousel, font de cette portion de la ville une des plus brillantes de Londres.

L’architecture des maisons, ou plutôt des palais qui forment ce quartier, habité par les classes riches, est tout-à-fait grandiose et monumentale, quoique d’une composition hybride et souvent équivoque. Jamais l’on n’a vu tant de colonnes et tant de frontons, même dans une ville antique. Les Romains et les Grecs n’étaient pas si Romains et si Grecs assurément que les sujets de sa majesté britannique. Vous marchez entre deux rangs de Parthénons ; c’est flatteur. Vous ne voyez que temples de Vesta et de Jupiter-Stator, et l’illusion serait complète, si dans les entre-colonnemens vous ne lisiez des inscriptions du genre de celles-ci : — Compagnie du gaz. — Assurances sur la vie. — L’ordre ionique est bien vu, le dorique encore mieux ; mais la colonne pestumnienne jouit d’une vogue prodigieuse ; on en a mis partout, comme la muscade dont parle Boileau. Ces colonnades et ces frontons ne manquent pas, au premier coup d’œil, d’un certain aspect splendide ; mais toutes ces magnificences sont pour la plupart en mastic ou en ciment romain, car la pierre est fort