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restre, que tout à coup ces voix emmiellées se sont remplies de fiel ! Comment, en un instant, odes, dithyrambes, élégies indulgentes, art plaintif, ont-ils fait place à la prosaïque délation ? En ce temps-là, on a vu les mandemens se changer en pamphlets ; les évêques se sont faits journalistes ; les anges tombés ont écrit des brochures ; ils ont embouché la trompette infernale dans le nuage d’un feuilleton, et, par excès de malheur, ils ont cité à faux, en sorte que les cieux de l’art catholique se sont voilés, et que l’Université de France, but innocent de cet orage, a été émue jusqu’au plus profond de ses entrailles.

Pour parler sérieusement, que l’on ne dise pas que le catholicisme est ainsi revenu à sa pente naturelle, que son tempérament est d’être intolérant, provocateur, délateur ; que c’est là son génie, qu’il faut qu’il y reste fidèle, ou qu’il cesse d’être. Dans la partie de l’Europe où le droit d’examen en matière religieuse est passé profondément dans les mœurs et dans les institutions, le catholicisme a très bien su se plier ou se réduire aux conditions que le temps et les choses lui ont faites. Là, il partage son église avec les hérétiques ; il célèbre la messe dans le même temple où le protestantisme réunit ses fidèles ; la même chaire retentit tour à tour de la parole de Luther et des doctrines de Rome. Souvent même j’ai vu le prêtre catholique et le prêtre protestant, réunis dans la même cérémonie religieuse, donner ainsi l’exemple le plus frappant d’une tolérance mutuelle. Là, le catholicisme n’affecte pas de grincer les dents à tout propos ; il n’abuse pas de ses foudres ; il sait que le temps de la discussion est arrivé pour lui, que la menace, la violence, l’anathème, ne lui rendront aucune des choses qu’il a perdues. Cette nouvelle situation, il l’accepte ; il ne déclame pas, il étudie ; il ne foudroie pas ses adversaires, il prend la peine de les réfuter ; il ne fait point usage de l’arme de l’injure et de la calomnie, mais il suit pas à pas ses antagonistes dans tous les détours de la science ; à une érudition sceptique, il répond, sans violence, par une érudition orthodoxe ; et dans la situation la plus difficile où un clergé soit placé, il pense que la première chose à faire pour regagner les esprits est de consentir loyalement à la lutte.

Pourquoi les conditions que le protestantisme a faites au catholicisme dans l’Europe du Nord, la philosophie et l’esprit d’examen ne les lui imposeraient-elles pas en France ? Il ne faut pas lui laisser perdre un moment de vue qu’il a cessé d’être une religion d’état ; qu’après avoir été rejeté de la France révolutionnaire, c’est à lui de la reconquérir, s’il le peut, par la force des doctrines, par l’autorité