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le titre de ses livres, leur numéro d’ordre et la case où ils sont logés. Non ; qu’il s’agisse d’un livre ou d’un animal, il faut aller plus loin que la reliure, il faut pénétrer sous l’enveloppe extérieure. Rechercher les rapports des êtres organisés et ceux qui les rattachent au règne inorganique ; étudier le jeu des organes, instrumens animés de ces mystérieux liens ; pénétrer dans leur mécanisme, les suivre dans leurs modifications, afin de saisir, s’il est possible, ce qu’ils ont d’essentiel ou d’accessoire ; remonter enfin de tous ces effets à la cause et pénétrer peut-être un jour les arcanes de la vie ; voilà la grande, la vraie zoologie, celle vers qui doivent converger toutes les autres branches des sciences naturelles. Voilà le but, tout le reste n’est que moyens.

Donc, sans repousser les espèces nouvelles appartenant à des genres connus, j’étais loin de courir après elles. Je venais surtout faire de l’anatomie et de la physiologie, et un travail de ce genre ne devait rien perdre à être exécuté sur une espèce connue. Mais, à cet égard, je fus favorisé d’une manière inattendue. Je découvris des types entièrement nouveaux, ou des espèces appartenant à des genres jusqu’à ce jour inconnus dans nos mers, et dont par suite on n’avait pu étudier l’organisation.

L’esprit humain est ainsi fait qu’il semble avoir en horreur les choses faciles. Dans les arts, dans les sciences, partout il se montre le même. Qu’un problème nouveau soit posé, vous le verrez inventer vingt solutions avant de rencontrer la plus simple. Les naturalistes se gardent bien de déroger à cette loi de notre nature. Grace à leurs soins, le Muséum du Jardin-des-Plantes est devenu une arche de Noé, où semblent se donner rendez-vous les êtres vivans des quatre coins du globe. Tout s’y trouve, tout, excepté les animaux qui peuplent nos forêts et nos prairies ; tout, sauf les habitans de nos Vosges, de nos Cévennes, de nos montagnes d’Auvergne ou du Dauphiné. Le desman de la Sibérie était connu plus d’un demi-siècle avant celui des Pyrénées. Ce dédain pour ce qui nous entoure a surtout frappé notre littoral. Tandis que la drague des voyageurs se promène autour des Moluques, des Philippines ou des Antilles, on connaît à peine les productions marines de la Manche et des golfes de Gascogne ou de Lyon. Aussi n’est-il pas besoin de faire quelques mille lieues pour trouver des espèces nouvelles. Pas un naturaliste n’est allé passer quelques jours sur nos côtes sans avoir eu ce plaisir.

Laissez-moi vous entretenir un moment d’un de ces zoophytes cachés jusqu’à ce jour dans le sable de Chausey. Amour-propre d’in-