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ESSAIS DE PHILOSOPHIE.

naître ces objections, et passer outre. Kant a beau soutenir que nous ne connaissons directement que nos idées ; qu’il n’y a rien en elles qui prouve leur objet ; que la nécessité de croire, fût-elle admise, n’est pas une démonstration, et que, si la liberté est la condition de la philosophie, ce n’est pas agir en philosophe que de se soumettre à une nécessité aveugle. Il a beau demander une autre raison, pour contrôler l’autorité de la raison. M. de Rémusat établit solidement contre lui les deux propositions suivantes : 1o la psychologie ne fournit aucun prétexte de douter de la vérité des connaissances que nous devons à nos facultés naturelles ; 2o la logique s’appuie sur des vérités absolues et ne peut s’en passer pour nier les vérités absolues, c’est-à-dire que dans ce cas elle ne peut se dispenser d’affirmer ce qu’elle nie. Contre Destutt-Tracy et Broussais, il prend les armes de l’école écossaise ; il constate dans l’esprit humain des facultés diverses, dont les unes connaissent l’esprit, dont les autres nous livrent le corps. Si l’on admet la perception extérieure, pourquoi ne pas admettre, au même titre, la conscience et la raison ? Un jugement primitif ne se démontre pas, il s’accepte ; on ne peut donc faire un choix entre plusieurs jugemens primitifs ; il faut tout accepter ou tout rejeter. Contre ces philosophies foncièrement sceptiques, quoique positives à la surface, M. de Rémusat emploie l’argument qui triomphera toujours de tout scepticisme ; c’est de le réfuter en le complétant. M. de Rémusat croit donc à la possibilité d’une science métaphysique, puisqu’il croit à la réalité de son objet, à l’autorité de nos facultés et de nos jugemens primitifs. Sa métaphysique commencera par la psychologie, sans y rester ; elle étudiera d’abord le moi, pour arriver au non-moi ; elle connaîtra la pensée, et par elle son objet. Ainsi, en admettant le non-moi comme objet certain de la connaissance, et non comme hypothèse, il se sépare de Kant. Dans la pensée et dans le monde extérieur, M. de Rémusat admet des phénomènes dans une substance, une substance sous les phénomènes ; pour lui, les substances sont multiples et diverses ; il y a des substances spirituelles et des substances corporelles, une substance infinie et parfaite, des substances imparfaites et finies. Ainsi, il se sépare des doctrines empiriques et sensualistes, et nous donne les élémens d’une science métaphysique complète.

Il restait à M. de Rémusat, après avoir fait l’histoire du rationalisme, après en avoir exposé et défendu les principes et la méthode, à décrire les élémens du monde que la raison nous livre, et les rap-