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PUITS ARTÉSIENS.

jusqu’à une assez grande distance, et qui, par leur mobilité, transportant la chaleur de bas en haut, troublent très sensiblement l’état de chaque couche. Les physiciens qui se sont occupés, après Tourier, de la chaleur du globe, soit d’une manière théorique, soit expérimentalement, ont tous, à l’exception d’un seul, négligé d’apprécier cette double influence, et, dans ses expériences sur le puits de Grenelle, M. Arago n’a pas mieux fait que les autres ; il avait touché d’abord ce point délicat, mais il semble ne pas l’avoir vu nettement, et il ne l’a pas soumis au calcul.

La distance de la surface de la terre à son centre étant six mille fois plus grande que la hauteur des puits les plus profonds qu’ait jusqu’ici creusés l’industrie humaine, on ne peut juger de la distribution générale de la chaleur dans toute l’épaisseur du globe par l’état de la mince écorce que nous avons entamée. Cet état moyen de l’enveloppe terrestre est l’effet combiné des eaux, de l’air et de la partie solide de la terre ; il faut donc apprécier l’action séparée de l’eau et de l’air, en partant des connaissances que nous ont acquises les travaux de plus illustres physiciens[1] ; puis, distinguant dans l’effet mixte des trois influences ce qui appartient à ces deux fluides, il faut ensuite calculer quel serait l’état de la partie solide prise seule. Ce résultat une fois obtenu, il restera plus tard à chercher s’il s’applique aussi aux profondeurs du globe que l’homme n’a pu atteindre, à ces roches, à ces métaux dont les masses condensées ne sont pénétrées ni par les eaux ni par l’air.

Dans la question particulière du puits de Grenelle, il fallait tenir compte d’abord des eaux qui, dès l’origine du forage, ont constamment rempli le trou de sonde, et dans lesquelles ont été plongés les thermomètres qui devaient indiquer le degré de chaleur des couches terrestres plus ou moins profondes. M. Arago, qui, comme tout le monde, savait que dans une masse liquide chauffée par en bas il peut s’établir des courans ascendans d’eau chaude et des courans descendans d’eau froide, M. Arago a dit d’abord que de tels courans avaient probablement lieu dans le puits et devaient en réchauffer les parties supérieures aux dépens du fond, mais il n’a pas été plus loin. Se bornant à prendre de temps à autre la température de l’eau dans le fond, à mesure qu’avançait le forage, il a cru ou laissé croire, chaque fois qu’il annonçait à l’Académie les nombres observés, que ces températures étaient celles des couches correspondantes de la terre.

  1. Gay-Lussac, Dalton, Rudberg, Despretz, Regnault.