Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/490

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
484
REVUE DES DEUX MONDES.

buhr, n’appartient plus à la féodalité ni au despotisme entouré des hochets de la féodalité. Il se trouve dans l’autre hémisphère. Il est avec nous, si ce n’est par les formes, du moins par les principes et par les idées ; il fait cause commune avec les pays qui trouvent tout simple, tout naturel, le pouvoir politique des Thiers, des Guizot, des Liverpool et des Peel. Encore est-il juste de remarquer qu’en Prusse les hommes éminens ont été appelés aux affaires sans que la presse et la tribune fissent en quelque sorte de leur élévation une nécessité politique. Est-il bien démontré que les habiles plébéiens de l’Angleterre et de la France ne doivent pas leur fortune politique à la tribune et à la presse ?

Il serait difficile de dire d’un autre royaume, du royaume de Hanovre, ce que nous venons de dire de la Prusse. Là le despotisme a osé dresser ses tentes et fouler aux pieds les institutions du pays. La patience allemande a été mise à de rudes épreuves par un rejeton d’une dynastie constitutionnelle. Le roi de Hanovre a abusé de l’ignorance où se trouve encore plongée une partie de ses sujets, et de la petitesse de son état. Il en est des états comme des individus. Pour se faire rendre justice, il faut être quelqu’un, il faut avoir beaucoup de force et beaucoup de résolution. Les pays faibles et irrésolus sont victimes de la prepotenza, comme les individus qu’on appelle les petites gens sont victimes de l’insolence des grands dans les sociétés aristocratiques. Cependant, à la différence des populations du midi, l’Allemand, s’il s’emporte difficilement, ne perd jamais de vue le but ; il n’entre pas avec la même promptitude dans un autre ordre d’idées ; il attend l’avenir avec résignation, mais il n’abdique pas les droits que le passé lui a légués. Il souffre, mais il réfléchit. Ses convictions ne sont pas ardentes, mais elles sont inébranlables. Les Allemands accompliront leur rénovation par des voies, à une époque, avec des formes qui nous sont inconnues, mais la rénovation aura lieu. L’activité des esprits, leurs lumières et les travaux de tout genre qui s’accomplissent en Allemagne, en sont à la fois la preuve et la garantie. Il n’y a pas jusqu’à l’Autriche, si réservée et si prudente, qui ne se trouve entraînée bon gré mal gré, dans le courant du monde nouveau. Lorsqu’on a des banques, des bateaux à vapeur et des chemins de fer, on a rompu avec le XVe siècle, on est entré dans la carrière que le XVIIIe siècle a ouverte à la civilisation européenne.

En attendant, on se dit à l’oreille que le roi de Hanovre est fatigué de la vie monarchique, qu’il songe à abdiquer. Il a beaucoup vu à Berlin le comte de Nassau : c’est de lui probablement, de ce prince auquel nul ne refusera une grande fermeté et une haute raison, qu’il a appris tout le contentement, tout le bonheur qu’on peut rencontrer en descendant du trône. À quoi bon, lui aura dit l’ex-roi de Hollande, garder le pouvoir, lorsqu’on ne peut ni en user selon ses idées sans péril, ni le mettre au service des idées d’autrui sans se démentir ? Les Hollandais n’ont plus voulu être gouvernés selon mes principes, ils voulaient m’imposer des maximes que je ne saurais admettre ; le schisme était réel, profond, le divorce nécessaire. Le pays ne pouvait pas se retirer ;