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priété y est aussi sacrée qu’en Europe. M. de Lamartine dit, dans son style plein de charme : « Les pentes de ces montagnes qui versent vers la mer sont fertiles, arrosées de fleuves nombreux et de cascades intarissables ; on y récolte la soie, l’huile, le blé ; les hauteurs sont presque inaccessibles, et le rocher nu perce partout les flancs de ces montagnes. Mais l’infatigable activité de ce peuple, qui n’avait d’asile sûr pour sa religion que derrière ces pics et ces précipices, a rendu le rocher même fertile ; il a élevé d’étage en étage jusqu’aux dernières crêtes, jusqu’aux neiges éternelles, des murs de terrasses formés avec des blocs de roche roulante ; sur ces terrasses, il a porté le peu de terre végétale que les eaux entraînaient dans les ravins, et il a fait du Liban tout entier un jardin couvert de mûriers, de figuiers, d’oliviers et de céréales. Le voyageur ne peut revenir de son étonnement quand, après avoir gravi pendant des journées entières sur les parois à pic des montagnes, qui ne sont qu’un bloc de rocher, il trouve tout à coup, dans les enfoncemens d’une gorge élevée ou sur le plateau d’une pyramide de montagnes, un beau village bâti de pierres blanches, peuplé d’une nombreuse et riche population, avec un château moresque au milieu, un monastère dans le lointain, un torrent qui roule son écume au pied du village, et tout autour un horizon de végétation et de verdure où les pins, les châtaigniers, les mûriers, ombragent la vigne ou les champs de maïs et de blé. Ces villages sont suspendus quelquefois les uns sur les autres, presque perpendiculairement ; on peut jeter une pierre d’un village dans l’autre ; on peut s’entendre avec la voix, et la déclivité de la montagne exige cependant tant de sinuosités et de détours pour y tracer le sentier de communication, qu’il faut une heure ou deux pour passer d’un hameau dans l’autre. »

L’hospitalité est largement exercée chez les Maronites, moins encore cependant que chez les Druses, ce qui tient sans doute à des causes religieuses et à la méfiance qu’inspire aux Maronites catholiques leur isolement au milieu des infidèles. Mais les Druses accueillent l’étranger avec ce beau précepte de la loi musulmane : « La première loi de l’hospitalité est de s’abstenir de demander à un étranger de quelle région il est venu, dans quelle foi il a été élevé ; mais il faut lui demander s’il a faim, s’il a soif, et s’il est vêtu. »

Pour la religion, les Maronites relèvent du siége de Rome. Nous avons dit que les papes avaient maintenu leur suprématie sur les catholiques du Liban à l’aide d’habiles concessions. C’est ainsi qu’ils ont dispensé les prêtres maronites de la règle du célibat. Ce privilége ne s’étend qu’au simple clergé séculier ; les évêques et les moines restent soumis à la discipline européenne. Les prêtres ne peuvent épouser qu’une femme vierge et non veuve, et ils ne peuvent passer en secondes noces. Il paraît que ce privilége du clergé maronite, loin de nuire à la régularité des mœurs sacerdotales, n’a fait que la maintenir dans une plus grande pureté, et tous les voyageurs qui ont visité ces contrées s’accordent à dire que cette petite église isolée au milieu des montagnes présente la plus fidèle image de l’église primitive.

Pour la liturgie, la politique des papes a encore fait de grandes conces-